Noghès au sommet
Le Monégasque Yann-Antony Noghès propose ce soir, et demain, Sommets, un documentaire au coeur des tractations européennes qui réussit à nous captiver.
Au départ, on était plutôt dubitatif. Deux fois 52 minutes sur les arcanes du Conseil Européen par le prisme de Charles Michel, l’ancien premier ministre belge devenu Président du conseil en décembre 2019... Et force est de constater qu’on s’est laissé prendre par Sommets : dans les secrets des négociations européennes réalisé par le Monégasque Yann-Antony Noghès, un habitué de la politique européenne depuis près de 20 ans. « On voulait en faire un thriller politique avec des enjeux énormes et des personnages », rembobine Noghès. Dans la narration, il y a quelque chose de Drive to survive, le documentaire incroyable sur la Formule 1 disponible sur Netflix. Noghès ne renie pas l’inspiration, au contraire. « On pénètre un monde technique et fermé et on raconte une histoire en se servant des personnages ». Une histoire qui rassemble 27 pays avec 27 représentants différents, 27 personnalités (gros coup de coeur pour le bagout du premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel) et au milieu Charles Michel qui doit gérer tout ce petit monde autour d’une table... à l’aide d’une clochette et de son sens de la négociation.
House of cards européen
Le premier épisode, diffusé ce soir sur LCP, met en avant les difficiles négociations entre tous les états membres pour adopter, à l’unanimité, la neutralité carbone d’ici 2050. Forcément, certains se montrent récalcitrants comme la Pologne représentée par son premier ministre Mateusz Morawiecki dont 80 % de l’énergie provient du charbon. Morawiecki qui, plus jeune, fut menacé et forcé à creuser sa tombe par la police politique communiste qui avait promis de violer et tuer mère et soeur s’il ne livrait pas où se trouvait son père.
Il ne craqua jamais.
Bon courage à Charles Michel qui, lui, jouait au ping-pong dans son garage avec son père, pour trouver une prise sur son opposant. Mais voilà, Sommets aleméritedemontrer les points de vue de tout le monde. « Si on comprend mieux les positions de chacun, on n’est plus dans une logique de gagnant-perdant mais de compromis, étaye Noghès. Il a fallu s’armer de beaucoup de patience, de conviction et respecter les pensées de chacun pour que cela ait un sens ». Charles Michel, qui doit oeuvrer avec la Ligue des champions des négociateurs autour de la table, n’est pas présenté de manière hagiographique, l’histoire n’est pas sur lui mais racontée à travers lui. On retrouve, toutes proportions gardées, la même dynamique et la volonté de démocratiser le fonctionnement politique de la machine européenne que l’on avait pu observer dans des séries comme House of cards ou A la Maison-Blanche. Tout ceci est rendu possible par la carte blanche donnée à la production. Alors que d’habitude il faut passer par neuf barrages de sécurité entre le monde libre et la salle du Conseil, les caméras de Yann-Antony
Noghès sont partout. Jamais intrusives. Toujours bien placées pour capturer des moments uniques comme cette remarque virile du Hongrois Viktor Orban lors de l’ouverture de la réunion.
On se prend au jeu
Le deuxième épisode, diffusé demain soir, est consacré à une autre négociation difficile puisqu’il se focalise sur le fonds de relance de 750 milliards d’euros destiné à soutenir les économies européennes des suites du Covid-19. Là, tout est différent puisque l’opposition est frontale entre les pays du
Nord et ceux du Sud. Les premiers s’estimant vertueux et trouvent que les seconds sont un peu trop dépensiers. Entre phrases assassines comme celle du Néerlandais Jeroen Dijsselbloem qui pensent que le Sud dépensent l’argent en « femme et alcool » et retournements de situation, on se laisse vraiment prendre au jeu.
Il y a de quoi en faire une vraie série politique car les deux premiers épisodes sont palpitants.
Sommets : dans les secrets des négociations européennes. Ce soir et demain à 20 h 30 sur LCP.