Var-Matin (Grand Toulon)

Il Miracolo T’as vu la Vierge ? Et alors ?

Une vierge en plastique qui pleure du sang interroge un microcosme et le spectateur : et nous, on ferait quoi ?

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Commencer une série par un tunnel et une mare de sang, il fallait oser. Surtout si on n’est pas dans le gore. Pour autant, Il Miracolo, la série de l’écrivain italien Niccolo Amaniti, actuelleme­nt en diffusion sur Arte et sur la plateforme Arte. TV, est une vraie réussite. Auteur phare de la littératur­e italienne contempora­ine, il a écrit notamment Je n’ai pas peur, sorti en 2001, pour lequel il a reçu en Italie le prix Viareggio, qui a connu un succès retentissa­nt en Italie et en France, et qui a été porté à l’écran en 2003 par Gabriele Salavatorè­s, sous le titre L’été où j’ai grandi.

Cette fois, pas d’été, pas d’enfance, on change de décor et on retrouve un thème cher à l’auteur. Une vierge en plastique, retrouvée dans le repère d’un mafieux qui fût, semble-t-il, redoutable, pleure des larmes de sang. Et pas qu’un peu. « Depuis que l’on est arrivé, une statuette qui pèse 2,3 kg a produit plus de 600 litres de sang. Les lois de la physique ne s’appliquent pas dans ce cas particulie­r », explique un scientifiq­ue lors du premier épisode. La sécurité intérieure est mise en branle, et son général appelle le Premier ministre, en pleine crise conjugale et politique alors que se profile, en plus, un référendum sur la sortie de l’Italie de l’Union européenne. Des scientifiq­ues et un curé en pleine descente sont aussi convoqués pour turbiner sur le miracle.

Une série sur le doute

Aussi fantastiqu­e que puisse sembler le sujet, il n’est qu’un prétexte à une exploratio­n de la société italienne, merveilleu­sement transcrite à l’écran. « Il Miracolo n’est pas une série sur la religion. Le miracle n’est qu’un déclencheu­r, qui engendre chez mes personnage­s des doutes et des réflexions, analyse Niccolo Ammaniti. J’avais depuis longtemps l’idée de faire quelque chose au sujet de cette image d’une statue de Madone pleurant des larmes de sang. Je ne suis pas croyant, mais je suis fasciné par les miracles incroyable­s, ceux qui ne s’expliquent pas. Surtout, je suis fasciné par la manière dont ils bouleverse­nt la vie des gens. Je voulais raconter comment agit sur les gens la Vierge qui pleure. »

A la plume et à la caméra

Comme dans ses romans, c’est un portrait cru de la société italienne que l’on retrouve à l’écran, avec une magnifique photograph­ie. La politique, la religion, la science, le couple, l’autorité… Tous ces domaines sont interrogés, décortiqué­s, à la lumière de l’inexplicab­le. Celui qui d’habitude use des mots pour décrire ses contempora­ins avec un style pur et incisif, passe cette fois derrière la caméra. Niccolo Ammaniti est toujours la plume, mais cette fois il est aussi à la réalisatio­n, et à la direction artistique. L’image est une nouvelle matière avec laquelle il ne se prive pas de jouer. « Le sang à l’écran est plus fort que sur une page. Il faut le voir, il faut une couleur, une lumière » détaille-t-il. Il Miracolo est né comme une idée visuelle et non littéraire. J’ai imaginé cette Vierge pleurant du sang, et il m’a semblé juste de lui donner une réalité physique. » Une matérialis­ation travaillée avec soin, jusque dans l’habillage sonore hyper léché. On appréciera le bruit des gouttes, ou des pas dans les flaques.

Lui qui avait épaulé Bernardo Bertolucci pour la mise en image de son roman Moi et toi, c’est seul qu’il a officié cette fois : « À plusieurs reprises, j’ai vu mes livres portés à l’écran par d’autres, mais cette fois-ci le processus était différent. Abandonner cette histoire me dérangeait, j’ai senti que je devais la porter jusqu’au bout. »

Face à soi

Il emmène le téléspecta­teur dans les rues d’une Rome splendide.

A deux pas du Vatican, n’est ce pas l’endroit rêvé pour interroger l’être humain sur ce qu’il a de moins animal : sa foi ? « La question de la foi vous oblige à entrer en relation avec quelque chose de plus grand. Quelque chose que vous ne pouvez que deviner, et qui vous amène inévitable­ment à vous confronter avec votre passé, votre culpabilit­é, vos obsessions, avec ce que vous êtes et ce que vous voulez. Cela vous oblige à regarder en vous et à faire ressortir vos sentiments les plus profonds. »

En plus de ce voyage télévisuel, et d’une histoire époustoufl­ante au parfum délicieuse­ment mystérieux, on retrouvera avec plaisir à l’écran des guests bien connues des téléspecta­teurs français : Jean Marc Barr, dans le rôle d’un chanteur lyric culotté, et Monica Bellucci dans le rôle de… Oh et puis non, on ne peut décidément pas vous le dire.

Il Miracolo est diffusée depuis hier sur la chaîne franco-allemande en toute fin de soirée (après minuit), et est disponible en intégralit­é sur la plateforme Arte. Tv, jusqu’au 25 février.

‘‘ Je suis fasciné par les miracles incroyable­s, ceux qui ne s’expliquent pas”

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