De la morale à l’humour
Attention, carré blanc. Éloignez les enfants !
Voici ce que chantait Serge Gainsbourg, en : « Si je baise affirmatif quoi des noms no comment Des salopes affirmatif des actrices no comment Des gamines affirmatif de quel âge ooh ooh ooh… »
Personne, alors, n’avait moufté. Cela paraît sidérant, vu de , tant ces paroles vaudraient illico, de nos jours, un procès en indignité à l’homme à tête de chou.
Pour un dessin bien plus anodin, la pression des réseaux sociaux faisant loi, Le Monde vient de présenter de plates excuses à ses lecteurs. C’est la drôle de dialectique de l’époque : la haine et les dégueulasseries se déversent à jet continu sur Internet, tandis que la morale regagne du terrain crescendo. Il y a trente ans, les Weinstein, Matzneff et autres sinistres sires s’ébattaient en toute impunité. Ils doivent à présent répondre de leurs horreurs. La parole va continuer à se libérer, les moeurs coupables à être recadrées. Il faut s’en réjouir. Puissent toutefois le redressement des attitudes poisseuses et la reconquête morale ne pas s’égarer dans le bâillonnement des humoristes. La multiplication de chapelles revendicatives semble, en effet, vouloir régir le droit à la caricature. Autrement formulé par le dessinateur Riss de Charlie, « associations tyranniques et minorités nombrilistes nous tapent sur les doigts comme des petits maîtres d’école ».
L’humour abrasif d’un Desproges susciterait aujourd’hui des haut-le-coeur. Plus grand monde n’accepte de se faire chahuter. Les minorités prennent la mouche dès qu’elles sont un brin moquées. Les « chouineurs professionnels »,
comme les appelle Gaspard Proust, ont pris le pouvoir. Les islamistes ne sont plus les seuls à refuser d’être tournés en dérision. Les revendications identitaires de tout poil se doublent d’une raideur chatouilleuse. Être traité à l’égal des autres, c’est pourtant cela aussi : accepter d’être brocardé. Mieux, de rire de soi-même.
« Les minorités prennent la mouche dès qu’elles sont un brin moquées. »