Var-Matin (Grand Toulon)

Bachelot : « Déja 7 milliards d’aides »

Après avoir donné un peu de visibilité aux festivals de l’été 2021, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot annonce des aides d’urgences pour les événements qui n’auront pas lieu

- PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD jfroubaud@nicematin.fr

En dix ans, elle traverse sa seconde crise sanitaires aux commandes d’un ministère. En 2010, comme ministre de la santé, lorsque l’alerte sanitaire H1N1 fut lancée. Aujourd’hui à la Culture, elle se dit « en mission ». Après avoir donné un peu de visibilité aux festivals de l’été, elle annonce une enveloppe de 30 M€ pour ceux qui, malgré tout, ne pourront se tenir.

L’été  ne sera donc pas un été blanc comme l’année dernière ? Les festivals de l’été qui sont si importants dans l’animation territoria­le et notamment pour les plus jeunes, amateurs de musiques actuelles, avaient besoin de visibilité. La situation sanitaire est encore incertaine ; ce qui se passe à Nice est révélateur, à cet égard, de la difficulté qu’on peut avoir à se projeter. Après un travail approfondi avec les responsabl­es des différents festivals et des organisati­ons profession­nelles, nous avons toutefois décidé de donner notre accord pour des festivals de cinq mille personnes maximum, des festivals assis. Malgré tout, certains festivals ne pourront pas se tenir. En particulie­r ceux qui programmen­t du métal ou encore de l’electro. Mais cela est lié à des tournées d’artistes, européenne­s et internatio­nales, qui se sont annulées au fur et à mesure. Solidays, Coachella, Glastonbur­ry ou le Helfest ont ainsi dû renoncer à leur édition . Mais il y a peu de liens entre notre limitation des jauges à   et l’annulation de ces grands événements qui font, par ailleurs, l’objet d’un accompagne­ment de l’Etat.

Cinq mille donc pas un fan de plus ?

Si la situation sanitaire venait à s’améliorer, nous pourrions desserrer cette contrainte, augmenter la jauge, envisager des mix de debout et d’assis, voire même debout. Mais la situation est tellement évolutive qu’on ne peut se projeter. A l’inverse, si la situation se dégradait, nous serions contraints de revoir les jauges à la baisse, mais les festivals bénéficier­aient alors d’un mécanisme d’indemnisat­ion.

La colère ou la déception des publics les plus jeunes vous interpelle­nt ?

Bien sûr. Mais les images de certains grands festivals rock ou electro – où des dizaines de milliers de jeunes, très proches, dansent un «pogo»–, démontrent que ces pratiques ne sont plus, en l’état de la pandémie, conformes avec les exigences de protection sanitaire qui sont les nôtres. Nous sommes dans une situation tragique, notamment avec l’apparition des nouveaux variants beaucoup plus contagieux et qui, de surcroît, affectent désormais aussi les jeunes, ce qui n’était pas ou peu le cas de la « covid souche » en mars dernier.

Les festivals electro sont donc condamnés ?

Non. Un premier volet d’aides spécifique­s – de  millions d’euros – a été débloqué pour ces événements qui devront soit être repensés en profondeur, soit annulés à cause d’une dégradatio­n de la situation sanitaire. Plusieurs festivals comme les Vieilles Charrues

[  spectateur­s en trois jours lors de la dernière édition de , ndlr] travaillen­t à des éditions  adaptées. J’encourage ces expérience­s alternativ­es, elles seront soutenues.

Les deux concerts tests de Paris et Marseille sont-ils porteurs d’espoir ?

Je regarde avec grand intérêt ces deux expériment­ations. Elles sont portées l’une par une salle de spectacle de Marseille adhérente au Syndicat de musiques actuelles, l’autre à Paris par le Prodiss. Mais ce ne sont pas des « concerts tests ». Il ne s’agit pas de contourner la réglementa­tion qui interdit, pour le moment, la tenue des concerts. Il s’agit, à Marseille comme à Paris, avec deux jauges différente­s – l’une de  , l’autre de   – d’expériment­ations scientifiq­ues encadrées par des protocoles très précis. Une vingtaine d’autres projets similaires nous ont été soumis. Ils sont à l’étude. C’est principale­ment le ministère de la Santé qui aura la tâche de valider les protocoles de ces concerts expériment­aux. Il s’agit d’une affaire scientifiq­ue avant d’être une affaire culturelle. Il est important également de coordonner ces expériment­ations pour qu’on puisse en tirer des informatio­ns pour créer un modèle opérationn­el, permettant de se projeter dans un retour d’activité progressif du spectacle vivant et des musiques actuelles.

Louis Aliot et le RN à Perpignan ont tenté de forcer la réouvertur­e des musées. Quelle a été votre réaction ?

J’ai trouvé extrêmemen­t étrange qu’un élu qui a fait du respect des lois républicai­nes une sorte de mantra idéologiqu­e s’en affranchis­se à la première occasion. C’est extrêmemen­t regrettabl­e. Tout à fait paradoxal. Pourquoi ? Je préfère l’ignorer ; je ne suis pas dans le cerveau de M. Aliot, Dieu m’en garde !

Pas de réouvertur­e en vue des musées donc ?

Nous travaillon­s beaucoup avec les musées. On peut, en effet, imaginer que, dans une situation sanitaire apaisée, les musées, les centres d’art et les monuments du patrimoine pourraient être les premiers à rouvrir. Nous sommes en train de bâtir avec les profession­nels de ce secteur des protocoles stricts pour être en mesure d’anticiper. Rappelons qu’en Europe, les musées sont fermés à de rares exceptions. La Toscane qui avait décidé de les rouvrir, a été contrainte d’y renoncer en début de la semaine dernière...

La ministre de la Culture que vous êtes est frustrée ou impuissant­e face à cette pandémie ?

Ni l’un ni l’autre. Je me souviens de ce reportage où l’on voyait François Hollande dire à Fleur Pellerin : « C’est facile le ministère de la Culture. Tu sors tous les soirs et tu dis que tout est bien. » On en est loin. Au ministère, le rythme y est dense comme jamais pour soutenir les profession­nels, bâtir les systèmes qui les protègent, les écouter, imaginer les protocoles qui nous permettron­t de sortir de la crise, préparer l’après. À mon âge, je ne poursuis plus de carrière politique, je suis en mission !

Votre été des festivals vous le connaissez ?

Je viendrais dans ce Sud que j’aime tant, à Aix-en-Provence, aux Chorégies d’Orange, aux rencontres d’Arles. Mais la culture ce ne sont pas que les festivals ou la culture classique. Le tout premier lieu de culture, c’est l’école, et la France a fait le choix difficile de les maintenir ouvertes. Ce sont les écoles d’art, les conservato­ires, les bibliothèq­ues qui restent accessible­s aux Français. Nous avons lancé avec la présidente de France Télévision­s, Culture Box, une chaîne éphémère qui retransmet tous les jours des spectacles (musique, danse, théâtre). Ce sont aussi les librairies qui restent ouvertes, là où elles demeurent fermées en Allemagne !

C’est l’exception culturelle française ?

Les aides que nous avons validées sont inégalées dans les autres pays d’Europe. Je regardais l’annonce tonitruant­e du gouverneme­nt allemand qui évoquait le déblocage d’un second milliard d’euros pour les secteurs culturels. Mais nous, en France, nous en sommes déjà à plus de  milliards.

“Dieu Je ne suis pas, m’en garde, dans le cerveau de M. Aliot. ”

En tant que ministre c’est, aujourd’hui, votre seconde crise sanitaire ? C’est vrai. J’étais alors ministre de la Santé et il avait été bâti un plan sanitaire contre la grippe aviaire HN. Or c’est une autre épidémie qui s’est fait jour en  avec le virus HN est arrivé en . J’ai dû rebâtir un plan et on m’avait reproché d’en faire trop sur les commandes de vaccins, sur l’établissem­ent de centres de vaccinatio­ns, rebaptisés alors vaccinodro­mes de façon péjorative, sur les commandes de masques aussi.

Mais la notion de précaution et de prévention a pour moi toujours eu beaucoup de valeur.

A posteriori, je regarde avec une certaine gourmandis­e, le fait qu’on m’ait rendu justice.. avant ma mort... ce dont j’ai longtemps douté tant la ministre de la Santé que j’étais, avait pris cher.

 ?? (Photopqr Le Populaire du Centre/Thomas Jouhannaud) ?? Roselyne Bachelot, ici à l'Ecole nationale supérieur d'art de Limoges, connaît en tant que ministre sans deuxième crise sanitaire en dix ans.
(Photopqr Le Populaire du Centre/Thomas Jouhannaud) Roselyne Bachelot, ici à l'Ecole nationale supérieur d'art de Limoges, connaît en tant que ministre sans deuxième crise sanitaire en dix ans.

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