Var-Matin (Grand Toulon)

Libéré avant son procès, la justice était trop lente

Faute d’avoir été jugé dans un délai raisonnabl­e, un Varois accusé de viols sur mineurs a bénéficié d’une libération. Il reste placé sous contrôle judiciaire

- SO. B.

La gravité des faits ne souffre aucun doute, aucune ambiguïté. En mars 2018, un Varois âgé de plus de 70 ans a été condamné pour des viols et agressions sexuelles sur mineurs, par la cour d’assises du Var. Trois enfants ont été définitive­ment reconnus victimes, ils étaient âgés de 9 à 14 ans, au moment des faits. Pourtant, malgré une condamnati­on à treize ans de réclusion criminelle, ce Varois qui se prénomme Michel a été libéré début janvier 2021. Il a pu quitter la prison de La Farlède où il était détenu, avant même son procès en appel. Dans des dossiers de viols, a fortiori sur mineurs, une telle décision est rarissime. Elle émane de la cour d’appel d’Aix-en-Provence et ne dépend ni de l’âge du prévenu, ni de sa santé.

« Trop longtemps qu’il attendait »

Cette libération est la conséquenc­e d’un « délai de détention provisoire déraisonna­ble », écrit la cour. De mars 2018 à janvier 2021, il s’est écoulé presque trois ans, sans que Michel ne soit jugé en appel. Un procès était annoncé possible pour mai 2021.

Fin 2020, la défense avait déposé une nouvelle demande de remise en liberté. « Cela faisait longtemps, trop longtemps qu’il attendait son procès en appel, réagit Me Morgan Daudet-Maginot. Ces délais n’étaient pas justifiés. Les contrainte­s de l’épidémie de Covid ne durent pas depuis trois ans, elle ne peut pas être invoquée. Les cours d’appel d’assises sont submergées ? Ce n’est pas de la responsabi­lité de mon client. »

Au lendemain de sa condamnati­on en 2018, Michel a voulu faire appel, c’est son droit le plus entier. Désormais, il est redevenu présumé innocent, c’est la loi. « Ce sont des dossiers très sensibles, je le comprends. Mais soulever des points de droit est une garantie pour tout justiciabl­e. Il est normal qu’un citoyen soit jugé dans des délais raisonnabl­es. Et il est rassurant que la justice l’entende », poursuit l’avocat au barreau de Toulon.

Simple contrôle judiciaire

Une réforme récente détermine qu’un « accusé appelant doit comparaîtr­e dans le délai d’un an, s’il est détenu ». Même si la dispositio­n ne s’applique pas à Michel, elle « donne une indication quant à l’appréciati­on du délai raisonnabl­e [pour être jugé] et des conséquenc­es qui doivent en être tirées », justifie la cour.

Si Michel est libre, sous contrôle judiciaire, il doit payer une caution de 35 000 euros, pointer une fois par quinzaine, résider à La Seyne et ne pas quitter le Var. D’autres obligation­s s’imposent à lui, dont celle de « s’abstenir d’entrer en contact avec

[les trois victimes] ».

Un minimum très insuffisan­t pour les parties civiles, qui y voient « une porte ouverte à toutes les dérives ». Et estiment que la cour «neprend pas en compte une possible réitératio­n des faits ».

Le paradoxe est que cette libération risque de repousser la date du procès en appel. Puisque les affaires avec des accusés détenus… sont prioritair­es.

 ?? (Photo Var-Matin) ?? Condamné à treize ans de réclusion criminelle en , l’accusé a été remis en liberté sous contrôle judiciaire. Décision rarissime de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
(Photo Var-Matin) Condamné à treize ans de réclusion criminelle en , l’accusé a été remis en liberté sous contrôle judiciaire. Décision rarissime de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

Newspapers in French

Newspapers from France