Le lourd silence du conseil scientifique
Que pouvait bien penser Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique Covid-, en écoutant, hier à heures, le Premier ministre s'inquiéter devant les Français du rebond de l'épidémie avec la progression galopante des variants anglais et sud-africains ? À la mi-janvier, ce professeur spécialisé dans l'immunologie avait en effet plaidé pour un confinement rapide afin de casser la progression de ces variants sans attendre qu'ils gagnent du terrain dans l'hexagone. Crime de lèse-majesté. Le chef de l'État avait choisi de ne pas le suivre alors que le Conseil scientifique avait été créé le mars « pour éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire. » En préférant un couvre-feu, Emmanuel Macron décida en fait d'éteindre cet éclairage. Depuis un mois, le professeur Delfraissy n'a donc plus pris la parole. Et les avis du Conseil scientifique ne sont plus rendus publics.
Ce silence imposé en dit long sur la manière de gouverner d'Emmanuel Macron. Sans le dire, sans s'exposer, Jupiter est de retour. Même s'il laisse le chef du gouvernement et le ministre de la Santé monter en première ligne, il décide plus que jamais de tout, refusant de suivre des experts qu'il a lui-même nommés. En vérité, ses calculs électoraux ont pris le dessus sur bien d'autres considérations. L'Élysée a fait en sorte que le conseil scientifique se taise et ne brouille pas les décisions présidentielles. Ainsi Jean-François Delfraissy est-il devenu le muet du sérail sanitaire alors que ses inquiétudes de janvier s'avèrent, aujourd'hui, hélas justifiées. La gestion de la crise sanitaire est donc, à présent, en priorité politique. On l'a bien compris hier soir avec cette volonté réitérée de convaincre les Français que nous faisons mieux que nos voisins européens. Posture puérile quand on analyse de plus près les données pays par pays. Si certains font moins bien que nous face aux variants, d'autres font mieux. Comparaison n'est pas raison. En devenant le médecin chef du pays, le président devient surtout le seul responsable de notre situation sanitaire. Il a voulu éviter en janvier un retour du confinement mais sa stratégie s'effrite. Les confinements locaux risquent fort de devenir de plus en plus nombreux même si le Premier ministre a repoussé au mars des décisions nouvelles pour les départements et les zones les plus atteintes par la vague des variants. La question posée, désormais, est de savoir si la politique choisie par l'Élysée mi-janvier n'a pas laissé la porte ouverte à un fort rebond épidémique. Il est évident que le conseil scientifique se gardera bien de donner à cette interrogation une réponse dont les conséquences politiques peuvent être très lourdes.
Ce silence imposé en dit long sur la manière de gouverner d’Emmanuel Macron.