« J’ai pu retourner travailler grâce à l’action du délégué »
Comment passer d’une brillante carrière d’infirmière enseignante en santé publique à une situation de harcèlement, et finir directrice adjointe d’un hôpital à 1 000 kilomètres de chez soi ? C’est l’incroyable histoire de Sylvianne, qui a pu faire valoir ses droits grâce à l’intervention du délégué varois, Patrick Gruau.
De sa jeunesse au sein d’une famille d’immigrés italiens, cette maman de trois enfants se souvient d’une chose :
« Il fallait s’assimiler, ne pas se faire remarquer, être honnête ».
Aussi, lorsque Sylvianne réalise, à 25 ans, qu’elle n’entend pas comme tout le monde, elle ne dit rien à personne. Elle avait compensé sa surdité en lisant sur les lèvres et avait sauvé la mise à l’école. « On m’appelait Jean de la lune. Je devais travailler trois fois plus que les autres pour y arriver. » Bon an, mal an, grâce à quelques enseignants qui ont su voir son potentiel, elle décroche le bac, suit des études tout en travaillant dans un fast-food.
« C’était très dur. J’ai voulu en sortir. J’ai passé le concours de l’école d’infirmière. J’ai eu de très bons résultats à l’écrit. Je suis passée d’hôtesse MacDo à aide-soignante. Au bout de trois ans, j’ai eu mon diplôme d’infirmière. J’ai choisi la réa. Je me suis mariée avec un médecin. Je baignais dans le milieu médical. Je lisais énormément. Mon handicap, à l’époque, je l’ignorais. Je donnais parfaitement le change. J’étais une excellente infirmière. Par crainte de mal faire, j’en faisais deux fois plus. »
Sylvianne suit son mari à Tahiti d’où elle revient avec ses deux enfants après des difficultés familiales.
De la réa au couloir
On est en 2005. L’infirmière, fonctionnaire d’État, passe un concours et entre à l’école des cadres de santé. Elle travaille un temps en milieu associatif où elle enseigne. Mais… « Étant fonctionnaire, j’étais mieux payée. On m’a remerciée. J’ai passé un concours sur titre pour réintégrer le public. J’étais en droit d’obtenir un poste en réanimation. On m’a donné gériatrie. J’ai refusé. On m’a donné la réa, mais on me l’a fait payer. » Sylvianne a quitté le service et repris l’enseignement. « J’étais appareillée mais je ne le disais pas. J’en ai parlé à quelques amis. Ma hiérarchie l’a appris. Je venais de passer un concours pour devenir directrice d’hôpital. J’avais brillamment réussi les écrits. Mon handicap était noté dans mon dossier. À partir de là, j’ai été harcelée. On m’a considérée comme une incompétente. Je me suis retrouvée dans le couloir. J’ai eu un accident. J’ai raté les oraux de mon concours. On m’a mise en arrêt maladie. Il n’y avait plus de poste pour moi. »
Du couloir à la direction
Sylvianne a alors repensé à ses cours sur le harcèlement et a saisi le délégué du Défenseur des droits. « Je savais qu’il y avait un poste libre dans l’administratif mais qu’on n’y prenait pas de cadre de santé sans appui. Monsieur Gruau a pris les choses en main. Très vite, on m’a appelée pour me proposer un poste à l’essai. J’ai travaillé avec une directrice qui m’a accueillie à bras ouverts. »
Sylvianne n’a pas attendu longtemps avant de représenter, et de réussir, le concours de direction d’hôpital. Au terme de deux années d’école et d’un an de stage, elle a désespérément cherché un poste d’adjointe. « J’ai démarché une dizaine d’établissements du sud. Je sais que certains postes n’ont pas été pourvus. J’aurais pu être nommée. J’ai un master de DRH. Mais… je suis une femme, j’ai des enfants, je suis handicapée, et considérée comme une casse-pieds… J’ai de nouveau contacté le Défenseur des droits. J’ai obtenu un poste de directrice adjointe, à Amiens. Personne n’en voulait. Depuis le 20 février 2019, je fais des allers-retours entre le Var et le Nord. J’aimerais me rapprocher de chez moi, pour ma vie de famille. On me conseille de prendre la direction d’une maison de retraite, de me déclasser pour travailler dans un système que je ne connais pas. Moi, j’ai envie de poursuivre dans le métier que je connais et que j’aime. Donc je continue à faire des allers-retours. »