« On est opposé et on en arrive à l’affrontement »
Nathan, 33 ans : « On essaie d’éviter le sujet »
« Je suis vacciné. Ma marraine (ma tante), ne veut pas se faire vacciner. On est vraiment proche, on se voit une à deux fois par semaine. Il n’y a pas de tension, sauf quand on parle des vaccins. On est diamétralement opposés et on arrive à l’affrontement. Du coup, on essaie tous les deux d’éviter le sujet. Elle cite des personnes et des théories conspirationnistes, elle dit qu’elle ne veut pas servir de cobaye. Moi, je pense qu’il faut faire confiance à la science. La tension a été la plus forte quand il a été question de vacciner mon grand-père. Il était entre deux feux. Il ne voulait pas faire de la peine à sa fille. On s’est mis tous les deux à côté de lui, et on a donné nos arguments chacun notre tour. Il s’est fait vacciner. On a toujours été proche, eu les mêmes idées. Voir qu’on est aux antipodes sur une question si importante me fait de la peine. »
Marylène, 37 ans : « Des discussions de sourd »
« Je n’ai pas envie de prendre le risque du vaccin. Je n’ai pas du tout confiance. S’il faut changer de travail, je le ferai. Mais j’attendrai au moins cinq ans. Ma bellemère est tellement pour la vaccination que je me demande si elle ne fait pas partie du gouvernement. Nos échanges sont assez pêchus.
Ce sont des discussions de sourd. On enterre le sujet, sinon on se dispute. Pourtant, elle me connaît depuis 30 ans, on s’est toujours entendues. Elle voit les non vaccinés comme des égoïstes, qui ne pensent pas aux autres. Pour moi, on est juste en train de nous opposer les uns aux autres. On nous traite de pestiférés. Si les gens sont vaccinés, ils sont tranquilles ; je ne vois pas en quoi ça fait de nous des égoïstes. »
Aurélie : « Je n’en parle pas avec mes amis »
« Il y a une différence d’être pour ou contre le vaccin et pour ou contre le pass sanitaire. D’ailleurs on peut être vacciné et contre le pass : le contrôle, le manque de secret médical, la violation des libertés, le droit sur ses enfants… De mon côté je n’en parle pas avec mes amis, comme ça pas de soucis de rentrer dans le jeu du gouvernement de créer des fractures dans la société. »
Denise, 55 ans : « Je n’arrive pas à comprendre »
« Je suis infirmière, cadre de santé, j’enseigne la santé publique. J’ai une fille de 24 ans. Elle n’arrêtait pas de retarder les choses. Je lui mettais la pression. Ce qui l’a convaincue de se faire vacciner, c’est l’idée de ne plus pouvoir aller au restaurant. Ça me sidère. Sa grand-mère a été en réanimation il y a deux ans, elle a vu ce que c’était. Son père est médecin, je travaille dans le milieu médical. À la maison, on a des réflexes de professionnels de santé. Et malgré ça, ça ne veut pas. Je n’arrive pas à comprendre. Ce n’est pas seulement elle. J’ai 120 étudiants en cours. Ils préfèrent se fier aux réseaux sociaux, où les informations débiles, non vérifiées, se diffusent bien plus vite que les informations médicales. Les gens revendiquent un droit à la liberté, comme s’il n’y avait pas de devoirs. J’ai du mal à comprendre qu’on ne soit pas inquiet pour les autres. C’est le principe de la vaccination. »
Myrtille, 17 ans : « Je ne voulais pas que mes parents se disputent »
« Mes parents, divorcés, n’ont pas le même point de vue sur ce qui se passe. Mon père a voulu me faire vacciner, par peur qu’on nous y oblige pour tout ce qui est scolaire. Et quand ma mère m’a demandé si j’étais d’accord, je ne savais plus. Je préfère attendre un peu. J’ai pleuré parce que je ne voulais pas qu’ils se disputent, je ne voulais pas prendre parti pour l’un ou pour l’autre. Quand c’est comme ça, on a l’impression de ne pas avoir son propre avis. J’ai la chance d’avoir des parents qui me respectent. Mais pour d’autres enfants, plus jeunes, ça doit être compliqué, ça peut avoir des répercussions sur des années. »
Delphine : « Au dernier moment, mon fils a refusé »
« Au dernier moment, mon fils aîné, de 18 ans, n’a pas voulu se faire vacciner. Il a vraiment une forte méfiance envers la classe politique et les scientifiques. Cette génération est plus individualiste, elle ne voit pas l’intérêt général. Ça nous pose problème, car on devait partir en vacances fin août, pour la première fois depuis trois ans. Il ne pourra pas aller à la piscine ni au restaurant. Pour l’instant, il envisage de faire des tests PCR. J’essaie de lui faire comprendre ce que ça coûte à la société et l’organisation lourde que ça va engendrer. On s’est disputés deux ou trois fois à ce sujet. En plus, il est asthmatique. »