Restrictions généralisées : « La dictature d’une minorité ! »
Vaccinés et non-vaccinés dans le même panier, au grand dam de ceux qui possèdent depuis quelque temps un pass sanitaire, vécu à l’origine comme un passe-droit. Témoignages.
J «e trouve cela tout à fait normal que les vaccinés soient plus libres que les autres, car nous avons fait notre devoir de citoyen. » Cette phrase de Cyrille, un Azuréen ayant répondu à notre appel à témoins, fera certainement bondir, mais elle traduit en quelques mots l’exaspération qui a saisi certains vaccinés face à une énième dégradation de la situation sanitaire. Mais face au micmac des QR codes contrôlés « avec les yeux » et sans carte d’identité à l’appui, un système critiqué jusque dans les rangs de La République en Marche (LREM), gouvernement et autorités locales semblent vouloir mettre tout le monde dans le même panier, vaccinés et non-vaccinés, «par sécurité ».
C’est notamment le cas chez nous, dans le Var, où, face à l’augmentation des cas de variant Delta dans cette « quatrième vague » de Covid-19, le port du masque est redevenu obligatoire quasiment partout. Ou encore en Haute-Corse, où le préfet a annoncé lundi 26 juillet le retour, à compter du 1er août, de la fermeture à minuit des établissements recevant du public. Autre mesure, les événements accueillant plus de 50 personnes (mariages, fêtes...), devront désormais être déclarés en préfecture. De quoi faire bondir les personnes vaccinées et munies d’un pass sanitaire en règle.
« Les personnes non-vaccinées doivent prendre leurs responsabilités et éviter de prendre en otage les personnes vaccinées. C’est la dictature d’une minorité, comme c’est souvent le cas en France sur d’autres sujets chauds », estime Fred83. « Travailler avec le masque, sous cette chaleur, est compliqué. Je pensais qu’en étant vacciné, je n’aurais pas à me masquer à nouveau ! »
« Confusion des mesures »
Depuis les annonces d’Emmanuel Macron le 12 juillet, et les multiples rétropédalages qui ont suivi, le ressentiment envers les personnes « antivax », ou plus largement au sujet d’un éventuel reconfinement généralisé, monte en flèche. « C’est un devoir collectif de se faire vacciner pour que tout le monde puisse en profiter. S’il reste des gens réfractaires à l’idée d’aider le reste de la population, c’est à eux d’assumer les futures restrictions. Ça fait partie de leur choix », abonde Jean.
À la date du lundi 26 juillet, 40 millions de Français avaient reçu au moins une dose de vaccin, soit près de 60 % de la population, a annoncé le président de la République. Et certains témoignages reçus regrettent le fait que les médias aient tendance à zoomer sur l’ultraminorité qui entraîne les 40 % restants. « 200 000 personnes veulent faire la loi en France et on leur laisse la parole, est-ce vraiment raisonnable ? », s’interroge Cannelle.
À Nice, Maxime confirme : « L’annonce de retour du port obligatoire du masque est d’autant plus incompréhensible que, faisant confiance à la communauté scientifique, nous n’avons pas hésité devant la vaccination, en recevant l’assurance d’un retour à la vie normale. La confusion des mesures gouvernementales, préfectorales et des collectivités locales génère fatalement colère et incompréhension ».
« J’ai fait l’effort vaccinal »
Alors qu’un nouveau Conseil de défense sanitaire se tiendra le mercredi 11 août, l’État dit maintenir sa « vigilance » et sa « mobilisation » face au variant Delta. Si le rythme de la vaccination s’accélère, la pénurie de doses guette comme lors des prémices de la campagne, en mars. De son côté, le nombre de tests dits « de confort », a explosé depuis le resserrement du pass sanitaire.
En effet, de nombreux témoignages de personnes contractant des « Covid-Delta » et terminant à l’hôpital n’émanent pas nécessairement d’antivax, mais de ceux qui « temporisaient » avant de se faire vacciner. « Cet individualisme primaire me semble plus que déplacé. Les personnes non-vaccinées font courir un risque à tout le monde, sans en assumer les conséquences, regrette Lucie, de Toulon. Ce refus du vaccin n’est, selon moi, que l’une des facettes de la perte progressive du savoir vivre-ensemble ».
Les mêmes règles pour tous
À partir du 9 août, il faudra (théoriquement) montrer un certificat de vaccination, de rétablissement ou un test PCR ou antigénique négatif de moins de 48 heures, si l’on veut accéder à de nombreux lieux, tels les bars, les restaurants, les théâtres, les musées, les salles de cinéma, les concerts et les événements sportifs. Toutefois, face à la grogne de certains professionnels du secteur du tourisme et du divertissement (les exploitants de salles de cinéma annoncent une baisse de la fréquentation de 70 % depuis l’avènement du pass sanitaire), certaines restrictions ont encore le temps d’être modifiées, nationalement ou localement. La distanciation sociale conseillée, le port du masque obligatoire, des couvre-feux locaux, devraient rester, eux, étendus à tout le monde.
« En réalité, tous ceux qui parlent d’atteinte à la liberté limitent ma propre liberté » , estime Anne-Claire. « J’ai fait l’effort vaccinal, je ne vois pas pourquoi je devrais mettre un masque en extérieur ou quitter à nouveau un resto à 23 h, alors que l’ensemble des personnes présentes a un pass sanitaire », ajoute Laurent, de Draguignan. En attendant une société réellement divisée entre vaccinés et non-vaccinés comme en Allemagne ou en Israël, le Conseil constitutionnel, saisi par Jean Castex et par la gauche, tranchera le 5 août sur le projet de loi sanitaire, adopté par le Parlement dans la nuit de dimanche à lundi.