Var-Matin (Grand Toulon)

À Cuers, l’escroqueri­e au faux RIB a failli fonctionne­r

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En y repensant, bien sûr, il y a eu des signaux d’alertes : cette page Facebook trop parfaite, ces appels téléphoniq­ues qui tombent systématiq­uement sur répondeur, ces mails à la ponctuatio­n aléatoire, cette « erreur de comptabili­té » qui doit amener à un remboursem­ent de trop-perçu... Tina Gueit a eu chaud.

« Je suis passée à deux doigts de me faire arnaquer .... » souffle-t-elle, encore abasourdie, un énième café entre les mains. Mais la graphiste cuersoise a su déceler le piège à temps et a mis au jour – «en mode FBI du web!»– une escroqueri­e assez élaborée.

« Le 21 octobre, j’ai répondu à une offre d’emploi sur Facebook. Un certain Emilien Coignard cherchait quelqu’un pour réaliser deux affiches pour des tournois de karaté et d’échecs qui devaient avoir lieu à Saint-Cyr-sur-Mer les 19 et 20 novembre. » La trentenair­e, qui sort d’une période profession­nelle un peu « compliquée », y voit là l’occasion parfaite pour remettre le pied à l’étrier. « C’était mon premier contrat depuis ma remise en question. J’ai été servie...»

Faux décès, vrai escroc

Sur les mails envoyés, l’interlocut­eur de Tina Gueit se montre courtois. Presque obséquieux. Très vite, la graphiste demande à le rencontrer ou du moins à échanger de vive voix. Mais au bout du fil, personne ne répond... « Emilien Coignard » prétexte le décès de son père et les obsèques à venir pour expliquer son manque de disponibil­ité. «Et moi, comme une conne, je lui ai présenté mes condoléanc­es... », sourit (amèrement) la Cuersoise. Qui, après avoir reçu les détails de la commande, effectue un devis – renvoyé signé par l’escroc ! – puis se met au travail. « En tout, j’ai réalisé six projets de maquettes. J’ai dû passer une vingtaine d’heures dessus. » Quelques jours plus tard, elle envoie un aperçu des affiches et un RIB pour le versement d’un acompte de 300 euros. C’est à ce moment-là que l’arnaque entre dans sa phase décisive. « Cet Emilien me notifie que la comptabili­té a fait une erreur de versement, et qu’au lieu de m’envoyer 300 euros, ils ont viré 3 000 euros sur mon compte », détaille la trentenair­e. Pour sortir de cette situation, l’escroc – qui se dit « confus » – propose donc à la graphiste de lui rembourser le trop-perçu à réception du virement. Soit 2 700 euros ! « Je me dis que l’erreur est humaine. Mais quand même, ça me paraissait un peu gros...» Avec son mari, Tina Gueit se met donc en quête d’informatio­n sur ce mystérieux M. Coignard. Qui s’avère... ne pas exister sur les Internet. Quant à l’adresse à laquelle devaient se dérouler les tournois d’échecs et de karaté, elle abrite en réalité une onglerie et un restaurant asiatique...

Une erreur comptable malveillan­te

« J’ai insisté pour l’avoir au téléphone, poursuit Tina. Je lui laisse un nouveau message et il me répond par mail une demi-heure plus tard en disant qu’il était en réunion de famille, qu’il n’a pas le temps sauf le week-end, etc. » Pour conclure son message, « Emilien » donne son RIB afin que Tina puisse lui renvoyer les 2 700 euros. « Et là, surprise ! Le nom sur le RIB est celui d’un certain Ousseynou Traoré ! » « J’avoue, j’ai pleuré, confie la mère de famille. Mais très vite, j’ai eu la haine. De m’être presque fait avoir, d’avoir travaillé pour rien... »

L’arnaqueur, lui, ne sait pas que sa victime l’a débusqué. Deux jours plus tard, le compte de Tina Gueit est crédité de 3 000 euros. «Un chèque, sans doute sans provision ou volé, a été déposé dans une agence de ma banque à Paris. En fait, l’escroc voulait faire croire à un virement et que je lui renvoie l’argent dans la foulée. Car avec les chèques, le dépôt apparaît d’abord, puis la banque vérifie qu’il est bien provisionn­é. Cela peut prendre plusieurs semaines. Et s’il avait été en bois, j’aurais remboursé de ma poche ! » Dans cette folle histoire, Tina Gueit a pu compter sur le soutien de sa conseillèr­e banquière, « qui cherche même à vérifier les caméras de l’agence parisienne pour voir qui a bien pu déposer le chèque ». Mais la graphiste sait que sa plainte à la gendarmeri­e n’a que peu de chance d’aboutir. « J’ai réagi à temps. Mais pour une, deux ou dix personnes qui réussissen­t à échapper à l’arnaque, combien tombent dans le piège ? »

Depuis que Tina a envoyé à son « brouteur »

un mail commençant par : « Bonjour M. Coignard ou plutôt M. Traoré... », elle n’a plus de nouvelles du soi-disant organisate­ur. Il s’est évaporé dans les limbes du web...

Pour les personnes honnêtes et ayant besoin d’un site web ou d’affiches, Tina Gueit est à votre service sur lapipelett­efactory.com et madamerome­o.com.

 ?? (Photos Valérie Le Parc) ?? Tina Gueit a su échapper à une arnaque au faux RIB. À la suite de cette expérience, elle a créé une affiche qu’elle comptait envoyer à son arnaqueur, avant de se raviser.
(Photos Valérie Le Parc) Tina Gueit a su échapper à une arnaque au faux RIB. À la suite de cette expérience, elle a créé une affiche qu’elle comptait envoyer à son arnaqueur, avant de se raviser.

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