La Cop26 accouche d’un accord à l’arraché et aussitôt critiqué
Refus des pays riches d’aider davantage les pays pauvres, concession à l’Inde et à la Chine au dernier moment sur les énergies fossiles : malgré des avancées, le sommet laisse un goût amer.
Encore une fois, un sommet international sur le climat s’achève dans la confusion. Avec 24 heures de retard et des incertitudes jusqu’au dernier moment, les 200 pays de la Cop26 ont finalement réussi à adopter hier un accord pour accélérer la lutte contre le réchauffement de la planète, mais sans assurer de le contenir à l’objectif affiché 1,5°C, ni répondre aux demandes d’aide de la part des pays pauvres. « Malheureusement, la volonté politique collective n’a pas été suffisante pour surmonter de profondes contradictions » ,a aussitôt déploré le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, tout en soulignant néanmoins « des pas en avant bienvenus, mais ce n’est pas assez ».
« Profondément désolé »
Baptisé « Pacte de Glasgow pour le climat », le texte a été adopté à l’issue de deux semaines de négociations éprouvantes, d’un coup de marteau du président britannique de la conférence mondiale pour le climat, Alok Sharma.
Témoignant de la difficulté à aboutir à cet accord, le président de la Cop26, d’une voix émue et les larmes aux yeux, s’est dit « profondément désolé » pour des changements de dernière minute introduits sur la question des énergies fossiles à la demande de la Chine et de l’Inde.
Sur le point critique de la limitation des températures, alors que la planète se trouve, selon l’ONU, sur une trajectoire « catastrophique » de réchauffement de 2,7°C par rapport à l’ère pré-industrielle, le texte appelle les États membres à relever leurs engagements de réductions plus régulièrement que prévu dans l’accord de Paris, et ce dès 2022. Mais avec la possibilité d’aménagements pour « circonstances nationales particulières », point qui a suscité les critiques des ONG sur les ambitions réelles du texte.
Le compromis trouvé n’assure d’ailleurs pas le respect des objectifs de l’accord de Paris : limiter le réchauffement « bien en deçà » de 2°C, et si possible à 1,5°C. « C’est mou, c’est faible, et l’objectif de 1,5°C est à peine en vie, mais il y a un signal sur la fin de l’ère du charbon. Et c’est important », a commenté Jennifer Morgan, patronne de Greenpeace International. Le texte contient également une mention, inédite à ce niveau, des énergies fossiles, principales responsables du réchauffement de la planète et qui ne sont même pas citées dans l’accord de Paris.
La formulation a toutefois été atténuée au fil des versions et jusqu’à l’ultime minute avant l’adoption en plénière, à l’insistance notamment de la Chine et de l’Inde. La version finale appelle à « intensifier les efforts vers la réduction du charbon sans systèmes de capture (de CO2) et à la sortie des subventions inefficaces aux énergies fossiles » . Une « pilule amère à avaler », mais acceptée « pour le bien commun », a regretté la représentante du Liechtenstein.
« Une insulte » aux victimes du climat
Après un échec aux deux dernières Cop, celle-ci a d’autre part réussi à mettre la dernière main aux règles d’utilisation de l’accord de Paris, notamment sur le fonctionnement des marchés carbone censés aider à réduire les émissions.
Le dossier explosif de l’aide aux pays pauvres, qui a un temps semblé pouvoir faire dérailler les négociations, n’a par contre pas trouvé de résolution. Échaudés par la promesse toujours non tenue des plus riches de porter à partir de 2020 leur aide climat au Sud à 100 milliards de dollars par an, les pays pauvres demandaient un financement spécifique des « pertes et préjudices » qu’ils subissent déjà. Mais les pays développés, au premier rang desquels les États-Unis, qui redoutent de possibles conséquences juridiques, s’y sont fermement opposés. Et à contrecoeur, les pays pauvres ont cédé, acceptant une poursuite du dialogue afin ne pas perdre les avancées sur la lutte contre le réchauffement, dont les effets les menacent déjà directement. Tout en se disant « extrêmement déçus ». « C’est une insulte aux millions de personnes dont les vies sont ravagées par la crise climatique », a commenté Teresa Anderson, de l’ONG ActionAid International.