Var-Matin (Grand Toulon)

J.-C. Lagarde : « Si Ciotti est choisi, ce sera sans l’UDI ! »

Exclu du processus de désignatio­n du candidat de droite à la présidenti­elle, le patron de l’UDI est prêt à discuter avec tous les prétendant­s… sauf avec le député des Alpes-Maritimes.

- PROPOS RECUEILLIS PAR LIONEL PAOLI lpaoli@nicematin.fr

L’annonce, prévue aujourd’hui au congrès national de l’UDI, a été reportée sine die. Jean-Christophe Lagarde devait indiquer quel candidat à l’investitur­e LR serait adoubé par son parti. « Mais Valérie Pécresse nous a fait savoir qu’elle n’acceptera aucun soutien, tant que Les Républicai­ns ne se seront pas prononcés », regrette l’ancien maire de Drancy. L’heure des centristes viendra plus tard, après la clôture du congrès LR le 4 décembre, lorsque le candidat désigné par les militants devra bâtir une majorité pour mener la bataille de la présidenti­elle. Le président de l’UDI prévient : « Il n’y aura pas de soutien automatiqu­e. » Vous avez reçu trois des cinq candidats à l'investitur­e LR : Xavier Bertrand, Philippe Juvin et Valérie Pécresse. Comment s’est déroulé ce grand oral ?

C'était très intéressan­t. Nous en avions assez de ne les entendre parler que de sécurité et d’immigratio­n ; ce ne sont pas les seuls problèmes du pays ! Que proposent-ils en matière d’éducation, de souveraine­té technologi­que, de retraite, d'environnem­ent ? Nous voulions aussi connaître leur vision de l'Europe.

Votre verdict ?

Nous avons pu constater qu'il n'y a pas d'incompatib­ilité entre leurs idées et les nôtres. Philippe Juvin semblait parfois plus proche des positions de l'UDI que de LR ! Xavier Bertrand a repris notre propositio­n de régionalis­er la santé. Il a une conception de l'Europe qu'on peut partager. Valérie Pécresse, de son côté, est plus charpentée sur l'éducation.

Regrettez-vous que Michel Barnier et Éric Ciotti n'aient pas répondu à votre invitation ? Bien sûr. Si Michel Barnier obtient l’investitur­e de son parti, nous le rencontrer­ons après le 4 décembre. Mais pour Éric Ciotti, ce n’est pas possible. On ne peut pas discuter avec quelqu’un qui se dit prêt à voter pour Éric Zemmour. On ne le soutiendra jamais ! Si Ciotti est choisi comme candidat à la présidenti­elle, ce sera sans l’UDI.

Les centristes ont été exclus du processus de désignatio­n du « candidat de la droite et du centre ». Selon vous, c'était une erreur stratégiqu­e ?

Il y avait deux solutions : soit une primaire ouverte au centre, soit un congrès étriqué réservé aux seuls militants. Ils ont choisi la seconde option. Au soir du 4 décembre, il y aura donc un candidat de la droite et… de la droite ! Ça ne suffit pas pour gagner une présidenti­elle. Les Républicai­ns ont commis une erreur. On ne gagne que si on se rassemble. Sinon ça finit comme François-Xavier Bellamy aux élections européenne­s à moins de 10 %. Être unis, c’est aussi la seule chance d'éviter un second mandat de Macron. Ce Président n’écoute personne ; 75 % des Français ne veulent plus de lui. Au regard des défis qui nous attendent, il ne pourra pas gouverner sereinemen­t. S'il est réélu, ce sera les « gilets jaunes » en pire. Parce que s'il n'y a rien entre le roi et le peuple, le peuple coupe la tête du roi !

Le maire UDI de Sceaux, Philippe Laurent, regrettait que les centristes soient considérés comme des « mous » et traités comme quantité négligeabl­e. C'est votre sentiment ?

Ce n’est plus tout à fait vrai. Les Républicai­ns ont tout de même été considérab­lement affaiblis. Ceux qui réfléchiss­ent voient bien qu'il faut être unis pour gagner. Il y a un équilibre des forces à trouver. Ce qui est certain, de notre part, c’est qu’il n’y aura pas de soutien automatiqu­e. Tout dépendra de la qualité des discussion­s que nous aurons après le congrès.

Pensez-vous que certains militants UDI ont adhéré à LR pour voter à la primaire ?

Je ne le crois pas. Ou plutôt : j'espère que non.

N'aurait-il pas été plus simple de présenter votre propre candidat à l'Élysée ?

J’ai fait ce choix, et je l’assume, parce que ce n'est pas dans la division qu'on gagne. Je me serais fait plaisir à titre personnel, mais j'aurais accru les chances d'Emmanuel Macron.

On dit qu’une présidenti­elle se gagne toujours au centre. Pourtant, depuis Giscard, les centristes n'ont jamais atteint le second tour. Comment l’expliquez-vous ?

En 1988 avec Raymond Barre, et 2007 avec François Bayrou, ça s'est joué à peu de choses ! Le problème est d'abord dans la division des centristes. Nous sommes d'accord sur le fond, rarement sur les hommes. Assez curieuseme­nt, alors que les idéologies ont largement disparu, la tension de l'arc politique est plus forte qu'avant. On est plutôt dans la réaction que dans la réflexion.

Votre phrase malheureus­e sur Eric Zemmour a fait

(1) le buzz. Vous vous en êtes excusé. Au demeurant, ne pensez-vous pas que Les Républicai­ns manquent de fermeté vis-à-vis de lui ?

C’est une évidence ! Comment un parti gaulliste peut-il ne pas réagir lorsqu'un pétainiste trace un signe égal entre de Gaulle et Pétain, tout en se prétendant l’héritier du RPR ? Ce parti, c'était celui de Chirac, de Pasqua – un Résistant ! Quand Les Républicai­ns sont à Colombey-les-Deux-Églises, la place de Zemmour serait plutôt à l'île d'Yeu [où est enterré le maréchal Pétain, ndlr]. Ils devraient le dire et le dénoncer. La droite, c'est l’antithèse de l'extrême droite.

Pourquoi ne le disent-ils pas ?

Le problème, c'est que jusqu’au scrutin du 4 décembre, ils parlent à leurs militants tout en étant entendus par tous les Français. Viendra le temps, je l’espère, où ils parleront à tout le monde…

1. Sur France Info, dimanche dernier, alors qu’il donnait son avis sur Éric Zemmour, le président de l’UDI a eu des propos assez violents. Il a notamment dit : « Monsieur Zemmour, si monsieur Pasqua était là, il te filerait une balle dans la tête. »

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(Photo doc Franz Chavaroche) « S’il n’y a rien entre le roi et le peuple, le peuple coupe la tête du roi », prévient Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI.

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