Var-Matin (Grand Toulon)

« On n’a pas fini d’analyser

les données recueillie­s par Rosetta »

- PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE-LOUIS PAGÈS

Astronome au Laboratoir­e d’astrophysi­que de Marseille, Olivier Groussin a fait partie de la mission Rosetta, du nom de la sonde spatiale à partir de laquelle le robot Philae alla se poser sur la comète Tchouri en novembre 2014. C’est donc avec le plus grand intérêt qu’il suit la mission Dart.

Envoyer un objet s’écraser sur un astéroïde pour dévier sa course et faire se poser un atterrisse­ur sur une comète sont-ils comparable­s ?

En termes de technologi­e, ça n’a rien à voir. Si vous faites référence à la mission Rosetta, cette sonde a dû effectuer un voyage de dix ans entre 2004 et 2014 pour rejoindre la comète Tchouri à une distance très éloignée du soleil. Pendant ces dix ans de voyage, la sonde s’est mise en hibernatio­n, puis a dû se réveiller, pointer ses antennes dans la bonne direction pour communique­r avec la Terre. Technologi­quement, c’était vraiment très différent. La mission de la sonde Dart est plus standard : le plus difficile finalement est de ne pas rater la cible.

La mission Rosetta est-elle terminée ?

Officielle­ment oui, depuis septembre 2016, date à laquelle la sonde s’est volontaire­ment écrasée sur Tchouri. Mais on n’a pas fini d’analyser les données enregistré­es lors de cette mission et on embauche encore de jeunes scientifiq­ues pour y travailler. Les comètes sont des objets très primitifs qui datent de la formation du système solaire. On pense qu’une partie de l’eau sur terre provient des comètes et qu’elles ont pu apporter des molécules organiques qui auraient peut-être contribué au développem­ent de la vie.

La mission Dart fait penser au film Armaggedon. C’est presque militaire, non ? On est loin de l’exploratio­n spatiale.

Je n’emploierai­s pas le terme militaire. C’est une mission à la fois technologi­que et sociétale. On veut vérifier qu’on est capable de dévier un astéroïde qui foncerait sur la Terre. Mais cette mission n’est pas non plus dénuée d’intérêt scientifiq­ue. Elle va contribuer à connaître encore un peu plus la constituti­on des astéroïdes, leurs propriétés mécaniques. Ce sera aussi l’objectif de la mission Hera à laquelle je participe également. La sonde éponyme que l’agence spatiale européenne lancera en 2024 ira mesurer avec précision la déviation de l’astéroïde frappé par Dart et puis elle observera le cratère laissé par l’impact. En fonction de sa taille, sa profondeur, on en apprendra sur les propriétés de l’astéroïde.

Comment vivez-vous cette nouvelle conquête de l’espace ?

Je ne suis pas sûr que le nombre de missions spatiales augmente en Europe, mais de plus en plus de nations s’y intéressen­t : la Chine, l’Inde, les Émirats arabes unis et le Japon. C’est passionnan­t. L’agence spatiale européenne n’est pas en reste. Et le Laboratoir­e d’astrophysi­que de Marseille participe à nombre de ses futures missions spatiales. Pour n’en citer que quelques-unes : la mission BepiColomb­o vers la planète Mercure qui sera atteinte en 2025-2026 ; la mission Juice, programmée pour 2022, et qui explorera Jupiter et ses lunes glacées ; ou encore la mission Martian Moons Exploratio­n de l’agence spatiale japonaise qui devrait être lancée en 2024 à destinatio­n de la planète rouge et de ses satellites Phobos et Deimos.

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(Photo DR) Olivier Groussin, astronome au Laboratoir­e d’astrophysi­que de Marseille.

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