La semaine vagabonde de Denis Carreaux
Lundi
Faites ce que je dis… Alerte de l’Agence France Presse à 21 h 44 :
« Jean Castex positif à la Covid-19 ». L’information serait d’une banalité affligeante si elle ne concernait pas le Premier ministre et ne tombait pas au moment où le gouvernement sonne la mobilisation générale contre le virus en encourageant les Français à recevoir une troisième dose de vaccin. Pourtant défenseur infatigable des gestes barrières, Jean Castex n’a pas franchement montré l’exemple ces derniers temps. Il n’est pas le seul à s’être relâché. Depuis des semaines, la plupart des politiques ont joyeusement oublié les règles de distanciation et repris leurs habitudes d’avant. Bain de foule, serrages de mains, bises, masques baissés autour du buffet : la réception offerte à un millier de maires le mercredi précédent à l’Élysée par Emmanuel Macron avait ainsi tout du cluster géant. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.
Mardi
Les agriculteurs se cachent pour mourir. Les drames qui se nouent dans nos campagnes ne passionnent pas les réseaux sociaux. Et les indignations bien-pensantes dont ces derniers raffolent se font bien discrètes sur le sujet. Chaque jour, au moins un agriculteur se donne la mort en France. Solitude, précarité, dettes, isolement, le mal-être est dans le pré. Dans l’indifférence générale, le ministère de l’Agriculture prend tout de même le problème à bras-le-corps. Fruit de dix-huit mois de travail avec les organisations professionnelles et les associations, le plan dévoilé par Julien Denormandie prévoit 12 millions d’euros et la mise en place dans chaque département de cellules dédiées ayant pour mission de déceler le plus en amont possible les situations de détresse économique et sociale. Une urgence vitale.
Mercredi
Renoncements. Journée singulière qui voit trois figures de la vie publique abdiquer en quelques heures. S’estimant humilié par le refus de Xavier Bertrand d’accepter son soutien, Renaud Muselier claque la porte des Républicains. Tout sauf une surprise, mais une nouvelle claque pour LR qui perd une grande région après avoir dû faire une croix sur Toulon et Nice à la suite des départs fracassants d’Hubert Falco et Christian Estrosi. Pendant ce temps, à l’Élysée, on se frotte les mains… Sur une autre chaîne d’info, l’ancien ministre et figure emblématique de l’écologie Nicolas Hulot tente dans une ultime opération de communication de crise de déminer les accusations de viols dont il fait l’objet. Trois ans après son échec au gouvernement, l’ex-personnalité préférée des Français annonce renoncer à toute responsabilité. La chute ne fait que commencer. Un peu plus tard dans la journée, un grand patron auréolé de réussites incontestables est à son tour contraint de s’effacer. Condamné à un an de prison avec sursis et
50 000 euros d’amende pour complicité de détournement de fonds publics dans l’affaire Tapie, Stéphane Richard démissionne de son poste de p.-d.g. d’Orange. En politique comme en affaires, la vie publique ne tient qu’à un fil.
Jeudi
Monsieur gros tacles. Retrouvailles avec François Hollande sur le plateau de Face aux territoires, l’émission du groupe Nice-Matin et d’OuestFrance sur TV5 Monde. L’actualité dramatique de ces dernières heures ne prête pas à sourire, et l’« ex » a la dent dure. Envers Emmanuel Macron qu’il ne se lasse pas d’étriller. Envers Anne Hidalgo, qu’il soutient certes, mais du bout des lèvres, l’invitant à élaborer rapidement un programme. Souvent sévère, mais assez peu porté sur l’autocritique, l’ancien Président distribue les mauvais points. C’est ce qu’il fait aussi dans son dernier livre, Affronter, compilation un brin brouillonne de réflexions personnelles et de portraits souvent peu amènes. Macron (encore lui), Sarkozy, mais aussi Arnaud Montebourg et le PS sont rhabillés pour cet hiver et les suivants. Quatre ans et demi après son départ de l’Élysée, « Monsieur petites blagues » est devenu « Monsieur gros tacles ».
Vendredi
La lettre à M. Hulot. Son contenu est bouleversant. Plus sobre certes, mais presque aussi éclairant que les confessions des victimes présumées captées par les caméras d’Envoyé spécial jeudi soir. Dans une lettre rédigée à la suite des dénégations offusquées de Nicolas Hulot mercredi sur BFM TV, l’animatrice de télévision Maureen Dor raconte avoir été agressée sexuellement en 1989 dans un hôtel de Bruxelles par le présentateur d’Ushuaïa. Elle avait alors 18 ans. Dans son récit, Maureen Dor évoque sa joie au premier coup de fil de celui dont elle était fan. Le rendez-vous au bar d’un grand hôtel. Le prétexte pour l’attirer dans sa chambre. L’agression. L’incompréhension. La honte. Trente-deux ans après, Maureen Dor dit ne pas avoir été « abîmée » par sa « rencontre avec M. Hulot ». D’autres, qui n’ont pas pu le repousser comme elle l’a fait, le sont. Si les faits qu’elles révèlent aujourd’hui sont prescrits, leur témoignage incitera peut-être des femmes qui n’osaient pas parler à le faire enfin et à saisir la justice. C’est, entre autres, l’objet de l’enquête préliminaire pour viol et agression sexuelle ouverte ce vendredi par le parquet de Paris.
Samedi
Deux doigts de campagne. Après les classiques jets de tomates ou d’oeufs pourris, le rituel un peu passé de mode de l’entartage, la gifle assénée au président de la République, place maintenant au concours de doigts d’honneur. C’est à Marseille que cette nouvelle discipline promise à un bel avenir est née ce samedi. Répondant au doigt tendu d’une passante, Éric Zemmour a dégainé un majeur magistral. Un geste assuré, rapide et droit, rehaussé par un imparable « Et bien profond ! » du plus bel effet. Classe, raffinement et hauteur de vue : la campagne présidentielle à venir ne devrait pas décevoir.
« Quatre ans et demi après son départ de l’Elysée, “Monsieur petites blagues” est devenu “Monsieur gros tacles”. »