Var-Matin (Grand Toulon)

Nadine Trintignan­t : « J’étais folle amoureuse de Jean-Louis »

Dans son livre « C’est pour la vie ou pour un moment ? », la réalisatri­ce fait le récit de sa relation avec le célèbre acteur devenu son mari, et révèle pour la première fois leur passion mutuelle.

- PROPOS RECUEILLIS PAR ALAIN GRASSET

La réalisatri­ce Nadine Trintignan­t, 87 ans, a longtemps refusé de raconter son histoire d’amour avec Jean-Louis Trintignan­t, son premier mari. Mais avec son plein accord, la maman de Marie Trintignan­t, décédée en 2003, s’est finalement laissée convaincre pour la première fois. Des confidence­s souvent étonnantes et bouleversa­ntes. Rencontre dans son superbe appartemen­t du Marais, à Paris.

Pourquoi avez-vous décidé de publier ce livre, C’est pour la vie ou pour un moment ?

J’ai fait la connaissan­ce d’un éditeur, Jean-Luc Barré, qui m’a demandé pourquoi je n’écrivais plus. Je lui ai expliqué que cela faisait deux ans que j’avais beaucoup de mal à écrire un ouvrage sur des histoires d’amour brisées par le nazisme. Il m’a promis de l’éditer. Mais il m’a dit qu’il aimerait d’abord publier un livre sur Jean-Louis Trintignan­t,

« car vous n’avez jamais écrit sur lui ». J’ai d’abord dit non avant de demander à Jean-Louis, qui réside à Collias dans le Gard, ce qu’il en pensait. «Iln’ya que toi qui peux bien parler de moi parce que tu me connais vraiment. Je t’en prie, fais-le ! »

Vous allez alors retrouver les lettres d’amour de Jean-Louis… Presque toutes étaient très sensuelles. Je l’appelle car je pensais qu’elles n’étaient pas publiables parce que trop intimes. On va nous critiquer. Jean-Louis me dit que «la sensualité, c’est la vie. Et puis à notre âge, on s’en fout. Vas-y ! »

Votre première rencontre avec JeanLouis, c’est en 1956 ?

C’est par ma meilleure amie, Annie Fargue. Un jour, elle me parle d’un mec magnifique avec qui elle répète une pièce, Andréa ou la fiancée du matin, au Théâtre de la Gaîté. Je vais les voir. Je dis à ma copine : « Ce n’est pas Marlon Brando ! »

Mais ce Trintignan­t a tout de même un regard attachant qui ne m’a pas échappé. Même si je suis encore loin de soupçonner, à cette date, la place que Jean-Louis occupera dans ma vie. Peu de temps après, il sera demandé par Roger Vadim pour

Et Dieu créa la femme avec Brigitte Bardot. Et il aura une histoire d’amour avec Brigitte. Mais son service militaire va mettre fin à sa relation avec elle.

Vous revoyez Jean-Louis plus tard, alors qu’il n’a pas fini son service militaire… À cette époque, à cause de la guerre d’Algérie, le service durait 28 mois ! Toujours avec Annie Fargue, un soir de 1958, on va voir les ballets de Roland Petit àl’ Alhambra. Il y avait Jean-Louis. À la sortie, il propose de nous raccompagn­er en voiture. Annie habite rue du Beaupaire, près de l’Alhambra, si bien qu’elle me laisse toute seule avec lui. Moi, j’habitais rue du Bac (à Saint-Germain-des-Prés). J’étais assistante-monteuse. Jean-Louis, soldat. On était complèteme­nt fauchés.

Du coup, il ne pouvait pas vous inviter à dîner ?

Oui ! Mais il me restait quelques pommes de terre que je pourrais faire à la braise car j’avais une cheminée dans l’appartemen­t. Ravi, il monte chez moi.

Et notre histoire a débuté ainsi. Je n’ai jamais flirté de ma vie. Si j’embrassais un garçon, je faisais l’amour. Au début, quand j’ai connu Jean-Louis, il dormait chez les parents de Claude Berri, des fourreurs polonais juifs adorables. Et puis un jour, il est venu chez moi, 44 rue du Bac. C’est drôle car aujourd’hui ma soeur, Lilou, habite là-bas.

Vous étiez sous le charme de Jean-Louis ?

Il était et reste toujours la séduction même. J’étais folle amoureuse de cet homme – et lui l’était de moi –, qui avait divorcé de l’actrice Stéphane Audran (devenue l’épouse de Claude Chabrol) pour vivre sa liaison avec Brigitte Bardot, et qui après leur rupture, lui avait offert une jolie MG rouge. J’avais pris l’habitude de dîner avec Jean-Louis chaque soir et de préparer le feu dans la cheminée pour son arrivée. Avant qu’il ne me prenne dans ses bras. J’étais ivre d’une joie qui s’enroulait autour de moi.

Après le succès de Et Dieu créa la femme (1956), il a pas mal galéré…

On l’avait totalement oublié. Jusqu’au jour où Vadim l’a engagé en 1959 pour Les Liaisons dangereuse­s. C’est le film qui a totalement relancé sa carrière. On a commencé à avoir de l’argent et à bien vivre. Et encore mieux, après l’énorme succès d’Un homme et une femme,

de Claude Lelouch (1966). Jean-Louis disait en riant : « Avant j’étais trop jeune ou trop vieux. Maintenant, tout me va ! »

Et il s’est mis à beaucoup tourner.

“Il était et reste toujours la séduction même”

“acteur Un immense qui a refusé Coppola et Spielberg”

Ces tournages l’empêchaien­t de voir votre fille, Marie…

Il l’adorait, Marie ! Tout comme Pauline [décédée à l’âge de neuf mois alors que Trintignan­t tournait Le Conformist­e à Rome, Ndlr]. Jean-Louis était aussi malheureux que moi à cause de ses nombreuses absences. Un immense acteur qui a refusé Francis Ford Coppola pour Apocalypse Now et Spielberg pour Rencontres du troisième type.

Vous préparez un documentai­re sur Marie Trintignan­t…

Oui ! Pour Arte, je viens de faire un film intitulé La Vie brisée. Marie, c’était une beauté, une intelligen­ce forte, beaucoup d’humour.

Jean-Louis aura 91 ans le 11 décembre…

Il va mal. Il a du diabète à un taux terrible. Il perd la vue. Il ne peut plus marcher. Mais il est très courageux. Du moment où nous nous sommes séparés, et que j’étais avec Alain Corneau, il a quitté Paris pour aller vivre dans le Midi. Il y est heureux.

 ?? (Photo Eric Dulière) ?? Nadine Trintignan­t, ici fin 2012, à Roquebrune-Cap-Martin.
(Photo Eric Dulière) Nadine Trintignan­t, ici fin 2012, à Roquebrune-Cap-Martin.
 ?? ?? C’est pour la vie ou pour un moment ?
de Nadine Trintignan­t. Éditions Bouquins, 20 euros.
C’est pour la vie ou pour un moment ? de Nadine Trintignan­t. Éditions Bouquins, 20 euros.

Newspapers in French

Newspapers from France