Clovis Cornillac, puncheur à mots doux...
Au Rencontres Cinéma de Cannes, l’acteur est venu présenter son troisième film de réalisateur, C’est Magnifique, une comédie où il incarne un personnage bienveillant et hors du temps.
Pas bêcheur pour un sou, Clovis Cornillac. En provenance directe d’un plateau de tournage à Marseille, l’acteur débarque à Cannes sous un froid glacial. Mais devant l’hôtel Splendid, il prend néanmoins le temps de signer quelques autographes, prendre la pose et échanger un bon moment avec quelques fans sur le pied de grue.
Pour son compère Jérôme Cornuau (avec lequel il a endossé le costume du commissaire Valentin dans Les Brigades du Tigre),
Clovis Cornillac incarne « un violeur conjugal, une ordure, sûr qu’on ne va pas l’aimer celui-là ! »
Tout le contraire de Pierre, drôle de héros dans C’est magnifique,
son troisième film de réalisateur. Un type élevé hors de notre société, entre abeilles et ibiscus, avant que la mort accidentelle de ses parents adoptifs ne l’oblige à se confronter au monde réel. Sur la chanson de Luis Mariano, dans des costumes et couleurs vintage, cet antihéros à la Forrest Gump va désarçonner le cynisme ambiant par son innocente bienveillance… Un feel good movie empreint de poésie, une comédie contre l’air du temps, où Cornillac joue davantage sur ses émotions que sur son physique. Car celui qui monte sur scène comme sur un ring et se rêvait boxeur avant de devenir acteur, n’en est pas moins un mec simple, sensible, dont les punchlines tiennent davantage des mots doux que du KO sarcastique.
Pierre, avec sa bienveillance, semble un extraterrestre, hors du temps à tous points de vue ? J’ai du mal avec le cynisme ambiant, dans cette époque où tout est ricanement, d’autant plus qu’il émane souvent de gens intelligents. Il y a quelque chose de fondamentalement triste làdedans. Le seul moyen de dire des choses simples et profondes face à ça, c’était à travers un personnage en décalage complet avec notre société. Il en devient presque un superhéros, mais comme un enfant pas cruel.
Cette bienveillance, c’est vous aussi ?
Moi, je n’éprouve aucun plaisir au malheur des autres. Et puis être bienveillant, c’est aussi très valorisant et agréable pour soi. Quand tu fais du bien, tu en retires vraiment quelque chose. Le personnage de Pierre est aussi en quête d’identité, un thème qui m’interroge beaucoup. Il y a ce qu’on est au départ, mais aussi ce qu’on devient ensuite, il ne faut pas l’oublier. On n’est pas condamné à quelque chose, on a toujours une marge de manoeuvre pour décider aussi.
Depuis Hors-la-loi, à 17 ans, au cinéma, votre carrière est prolifique. Satisfait de l’acteur que vous êtes devenu ?
Je suis très heureux dans ma vie, mais je ne me regarde pas beaucoup en ces termes-là. Je n’ai aucune admiration pour ma personne, je n’aime pas me regarder dans le miroir et je ferme les yeux quand on me maquille. Mon ego, je le place tout entier dans mon travail, et même s’il n’est pas génial, je l’assume car je me suis investi à fond, je ne me fous jamais de la gueule des gens.
Malgré tous vos rôles, vous relativisez souvent votre talent. Certains amis réalisateurs reconnaissent mon travail et j’en suis très flatté. Mais je suis fasciné par de grands acteurs, Michel Piccoli, Charles Denner, Maurice Ronet, dont j’admire la finesse du jeu.
Dans C’est magnifique, vous êtes davantage sur l’émotion que sur le Serpent, le Scorpion, et autres films d’action. Il y avait quiproquo à propos de l’aspirant boxeur devenu acteur ?
Les rôles dépendent de ce que tu inspires, mais j’ai eu de la chance jusqu’à maintenant, même sur les personnages plus robustes. Ma trajectoire est très variée, j’ai la chance de me balader dans plusieurs registres, mais jamais en petit secrétaire d’État, ça, je ne l’inspire pas. Quant aux boxeurs, ce sont souvent des gars sensibles et courageux…
La réalisation contribue à votre accomplissement ?
C’est une révélation, la plus belle chose qui me soit arrivée professionnellement. Quand tu réalises un film, tu es un artiste, plus un artisan d’art, et t’assumes d’être le Dieu de ton monde. Mettre en scène ce monde, c’est passionnant, incomparable, même si tu tires plus gloriole comme acteur que réalisateur.
Pierre a deux amours, les abeilles et les ibiscus. Deux symboles de votre conscience environnementale ? J’ai un rapport intime avec ça, c’est pour cela que je le mets dans un film, mais je ne suis pas dans la revendication et j’ai envie d’en parler sans donner de leçon. En vieillissant, on pense à notre héritage, mais surtout à notre responsabilité. Je fais plus de vélo, moins de moto ou d’auto, et je veille à être inspirant pour mes enfants, afin qu’ils soient meilleurs que moi à ce niveau-là.
Depuis Brice de Nice, avez-vous une relation privilégiée avec la Côte d’Azur et le Festival de Cannes ?
Le Festival, j’y viens souvent et j’aime beaucoup Thierry Frémaux (Lyonnais comme lui, Ndlr), même si ce ne sont pas mes films en sélection, je n’ai pas cette cartelà, je reste un provincial de Cannes. J’espère qu’un jour, l’un de mes films s’y prêtera car c’est le temple du cinéma. Je possède aussi une maison au large d’Hyères (sur l’île du Levant, Ndlr),
c’est plus sauvage et j’aime ça. De chez moi, je vois toute la Côte d’Azur, et face à la Méditerranée, tu contemples toute l’histoire de l’humanité, c’est magique.
Je n’éprouve aucun plaisir au malheur des autres”
Je fais plus de vélo, moins de moto et d’auto”
Hyérois, mais toujours actionnaire de L’Olympique Lyonnais, avec un lion
(il est né le 16 août) tatoué sur l’épaule ?
Ah oui ! Je suis très pote avec Jean-Michel Aulas et j’aime le foot, c’est un truc d’enfer, ce n’est pas réfléchi. je me suis toujours senti Lyonnais, même si je n’y ai jamais vraiment vécu.
Mais « gaulois », comme Astérix, que vous avez incarné aussi ?
Ah, je ne sais pas si je me sens gaulois, car je me sens bien dans plein d’autres endroits, notamment en Italie où j’ai des origines aussi, mais aux yeux des gens, il y a comme une forme d’appartenance, c’est vrai.
Et puis, je m’appelle Clovis !