Des caméras en classe à Nice font bondir les profs
À l’Institut national supérieur du professorat, des caméras de vidéosurveillance ont été installées à l’insu des intéressés.
R «ien ne justifie de filmer une salle de classe ! » Le message est clair. Il se traduit par plusieurs plaintes anonymisées auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Karine Lambert et ses collègues enseignants dénoncent une intrusion dans leurs salles de classe, à Nice : celle de caméras de vidéosurveillance. Ils réclament des explications.
Révélée par Libération, l’affaire débute le 8 novembre. Nice-Nord, avenue Stephen-Liégeard. Retour des vacances de la Toussaint à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (Inspe). Et là, surprise. « Des enseignants se sont aperçus que des tranchées avaient été faites dans le parc, et des caméras mises dans les couloirs et dans deux salles de classe », témoigne Karine Lambert, maîtresse de conférences en histoire.
« Peur d’être “fliqué” »
Selon elle, plusieurs enseignants s’en sont « émus auprès de la directrice » .Il y a la forme, d’abord : « À aucun moment nous n’avons été informés au préalable. » Il y a le fond, surtout : «Une salle de classe, c’est un espace de liberté de parole, où peuvent se tenir des réunions syndicales, où des échanges entre collègues ont vocation à rester privés… Filmer une salle de classe nous paraît être un précédent dangereux ! » Olivier Le Dantec, professeur de didactique des mathématiques, est tout aussi remonté. « Quand on est enseignant, on a une certaine liberté d’expression. Oui, j’ai peur d’être “fliqué”, et que la présence des caméras crée une autocensure. » Selon lui, ces caméras globulaires débarquent dans «unclimat délétère, pas seulement à Nice ». À ses yeux, une seule issue : « Qu’ils les enlèvent. »
Au rectorat de Nice, on assure «découvrir, étonné », l’existence de ces caméras. La direction de l’université Côte d’Azur, elle, assume leur installation. Dans le viseur : « La protection des biens et des personnes. » Ces yeux électroniques « ont pour objectif de surveiller les issues principales du site, afin de sécuriser les intrusions potentielles, conformément aux recommandations du plan Vigipirate. Les caméras sont donc uniquement tournées vers des points d’accès au site. »
L’université l’assure : elle « veillera à ce que l’ensemble des dispositifs soit validé par les autorités et conformes au RGPD [Règlement général sur la protection des données, Ndlr] .» Selon elle, l’exploitation de ces images vidéo est strictement encadrée. Seuls deux responsables du site sont habilités à les remettre à la police, sur réquisition, pour certaines enquêtes. Et les images sont stockées un mois maximum, en lieu sûr.
De quoi calmer le jeu ? Pas gagné. Si l’objectif est de scruter les accès, pourquoi placer les caméras dans les salles, et non à l’extérieur ? « Nous allons demander des comptes, fulmine Gilles Jean, secrétaire départemental du SNUipp. Cela pose un problème de déontologie. Il n’est pas question de laisser filmer des gens à leur insu. C’est une situation inédite. Et inquiétante. »
De son côté, la Cnil confirme avoir reçu « plusieurs plaintes ». Elles visent « l’installation de deux caméras dans des salles de classe » et « l’absence d’information des personnes concernées » . Ces plaintes « sont en cours d’instruction ».