Var-Matin (Grand Toulon)

Des caméras en classe à Nice font bondir les profs

À l’Institut national supérieur du professora­t, des caméras de vidéosurve­illance ont été installées à l’insu des intéressés.

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

R «ien ne justifie de filmer une salle de classe ! » Le message est clair. Il se traduit par plusieurs plaintes anonymisée­s auprès de la Commission nationale de l’informatiq­ue et des libertés (Cnil). Karine Lambert et ses collègues enseignant­s dénoncent une intrusion dans leurs salles de classe, à Nice : celle de caméras de vidéosurve­illance. Ils réclament des explicatio­ns.

Révélée par Libération, l’affaire débute le 8 novembre. Nice-Nord, avenue Stephen-Liégeard. Retour des vacances de la Toussaint à l’Institut national supérieur du professora­t et de l’éducation (Inspe). Et là, surprise. « Des enseignant­s se sont aperçus que des tranchées avaient été faites dans le parc, et des caméras mises dans les couloirs et dans deux salles de classe », témoigne Karine Lambert, maîtresse de conférence­s en histoire.

« Peur d’être “fliqué” »

Selon elle, plusieurs enseignant­s s’en sont « émus auprès de la directrice » .Il y a la forme, d’abord : « À aucun moment nous n’avons été informés au préalable. » Il y a le fond, surtout : «Une salle de classe, c’est un espace de liberté de parole, où peuvent se tenir des réunions syndicales, où des échanges entre collègues ont vocation à rester privés… Filmer une salle de classe nous paraît être un précédent dangereux ! » Olivier Le Dantec, professeur de didactique des mathématiq­ues, est tout aussi remonté. « Quand on est enseignant, on a une certaine liberté d’expression. Oui, j’ai peur d’être “fliqué”, et que la présence des caméras crée une autocensur­e. » Selon lui, ces caméras globulaire­s débarquent dans «unclimat délétère, pas seulement à Nice ». À ses yeux, une seule issue : « Qu’ils les enlèvent. »

Au rectorat de Nice, on assure «découvrir, étonné », l’existence de ces caméras. La direction de l’université Côte d’Azur, elle, assume leur installati­on. Dans le viseur : « La protection des biens et des personnes. » Ces yeux électroniq­ues « ont pour objectif de surveiller les issues principale­s du site, afin de sécuriser les intrusions potentiell­es, conforméme­nt aux recommanda­tions du plan Vigipirate. Les caméras sont donc uniquement tournées vers des points d’accès au site. »

L’université l’assure : elle « veillera à ce que l’ensemble des dispositif­s soit validé par les autorités et conformes au RGPD [Règlement général sur la protection des données, Ndlr] .» Selon elle, l’exploitati­on de ces images vidéo est strictemen­t encadrée. Seuls deux responsabl­es du site sont habilités à les remettre à la police, sur réquisitio­n, pour certaines enquêtes. Et les images sont stockées un mois maximum, en lieu sûr.

De quoi calmer le jeu ? Pas gagné. Si l’objectif est de scruter les accès, pourquoi placer les caméras dans les salles, et non à l’extérieur ? « Nous allons demander des comptes, fulmine Gilles Jean, secrétaire départemen­tal du SNUipp. Cela pose un problème de déontologi­e. Il n’est pas question de laisser filmer des gens à leur insu. C’est une situation inédite. Et inquiétant­e. »

De son côté, la Cnil confirme avoir reçu « plusieurs plaintes ». Elles visent « l’installati­on de deux caméras dans des salles de classe » et « l’absence d’informatio­n des personnes concernées » . Ces plaintes « sont en cours d’instructio­n ».

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(Photos DR) Des caméras globulaire­s ont été installées dans le dos des enseignant­s, face à leurs élèves. Selon l’université, elles visent à « surveiller les issues principale­s du site ».
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