Nice : Lou Paillassou, âme symbolique du chaos
Le mannequin bourré de paille, envoyé en l’air depuis une toile, refait son apparition au Carnaval de Nice. Le groupe Lou Caïreu Niçart explique les significations profondes de ces vols planés.
Il revient pour s’envoyer en l’air ! Et balancer, dans l’atmosphère en liesse, sa symbolique plurielle. Le Paillassou est de retour. Le vrai, l’authentique Paillassou, vu et animé par Lou Caïreu Niçart, groupe folklorique niçois, dont l’ADN se confond avec ce mannequin bourré de paille. En habits satinés et multicolores de fous, d’arlequins..., les membres du groupe sont très attachés à leur pantin, qui s’inscrit dans l’une des plus anciennes traditions de Carnaval de Nice. Et dont la signification rejoint celle, profonde, de Carnaval, règne légal d’un chaos éphémère, synonyme d’un exutoire salvateur pour le genre humain.
Passeur, moqueur, lessiveur
Alors, ce Paillassou, ça veut dire quoi ? Le bonhomme est relié à trois explications. La première est donnée par Marilou Lafeuillade, 19 ans, la plus jeune adhérente du groupe et récemment sacrée Payse de France, ambassadrice du folklore français (lire ci-dessous).
Son brillant exposé sur le Paillassou n’est pas étranger à son élection. « Le Paillassou est d’abord le double personnage ridiculisé de l’Arlequin, luimême médiateur entre le monde des morts et celui des vivants. Il dirige les âmes vers le royaume des morts. Dans le carnaval, il est donc un médiateur. »
Deuxième signification : la moquerie. « Jadis, enchaîne Nello Bistoni, président de Lou Caïreu Niçart, le Paillassou était berné par les pêcheurs habitant la vieille ville. Celle qui représentait la ville basse et populaire. En envoyant en l’air le Paillassou, le peuple se moquait ouvertement des notables. »
Troisième piste : «Le pantin, reprend Marilou, contient en lui tous les soucis et les malheurs de l’année écoulée. En le faisant sauter, on envoie dans les airs tous nos tourments en espérant qu’ils ne retombent pas au sol. » Et cette année plus que jamais, à cause de tourments liés à la crise sanitaire qui dure depuis deux ans, ce mouvement vertical prendra tout son sens.
La lueur d’espoir ? «Le mot paille vient du latin palleas, qui lui-même vient du grec pallo. Cela veut dire le blé. Ou en tout cas, ce qui est récupéré dans le blé lorsqu’on le bat. La paille, c’est aussi le renouveau du printemps...»