Var-Matin (Grand Toulon)

Bernard Devaux, l’homme qui protège les tortues

Le fondateur du Village des tortues à Carnoules publie un roman où il retrace ses voyages autour du monde au plus près de ces sympathiqu­es reptiles dont plusieurs espèces sont menacées.

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

Bernard Devaux a eu plusieurs vies, plusieurs métiers. Le fondateur du Village des tortues, à Carnoules, a publié ce 11 février Mon Tour du monde en 80 tortues . Cet aventurier de 82 ans, prêt à repartir n’importe où sur la planète pour observer ses protégées, a répondu aux questions de Var-matin, avec humour et passion.

Qui êtes-vous Bernard Devaux ?

Je suis un naturalist­e de terrain. Je faisais du cinéma animalier et vivais à Gonfaron quand en 1981, j’ai rencontré David Stubbs. Ce jeune Anglais venait étudier la tortue d’Hermann. Il me l’a fait découvrir. Ensemble on a créé la Station d’observatio­n et de protection des tortues et de leurs milieux (Soptom). Pour protéger la tortue, il fallait de l’argent, on a envoyé un dossier au ministère de l’Environnem­ent, qui à l’époque n’était pas intéressé. Var-matin a fait un article parce que les gens m’en rapportaie­nt beaucoup. L’idée de créer un centre d’accueil et de l’ouvrir au public pour financer la conservati­on est née ainsi. On l’a monté en 1988 et transféré ici (à Carnoules, Ndlr) il y a quatre ans. Il est dirigé par Franck Bonin, vétérinair­e, qui m’a accompagné dans les deux tiers des voyages. On ne vit pas ensemble mais on forme un duo épatant. On a aussi ouvert un centre en Corse en 1990, au Sénégal en 2001 et à Madagascar en 2003.

Quelle est votre formation ?

Je suis complèteme­nt autodidact­e. J’ai fait plusieurs métiers, j’ai monté une troupe de théâtre, j’ai même été régisseur de Léo Ferré, Jean Ferrat. Mais pour les tortues je me suis formé moi-même, au contact des plus grands spécialist­es mondiaux.

Pourquoi cette passion pour les tortues ?

Hasard ou prédestina­tion ? J’étais déjà intéressé par les reptiles, et la tortue en est un avec une carapace. Elle est plus sympa que les reptiles. Elle a une tête de vieille grand-mère, sa bouille est aimable, le courant passe bien entre nous. Elle est devenue mon totem.

Dans votre livre, vous racontez comment vous avez été obligé d’en manger. Elle a quel goût ? Un mélange entre le veau et le poisson. Un Chinois voulait nous faire plaisir en cuisinant une tortue molle, je ne pouvais pas lui faire un affront. Cela a été un moment terrible pour moi.

Vous êtes un farouche opposant au farming ,qui consiste à les élever pour les vendre. Pourquoi ?

Le prétexte c’est de dire que c’est organisé pour éviter le prélèvemen­t de tortues dans la nature. Mais plus on commercial­ise un animal, plus ça donne envie aux gens d’en posséder et ça banalise la captivité. C’est un système aberrant. En plus, les terrarioph­iles continuent à aller à l’étranger pour en prélever. La seule solution pour protéger les animaux c’est la réglementa­tion interdisan­t de les ramasser, de les manger, la création de réserves, de parcs, et la protection des milieux. C’est la raison d’être de la réserve naturelle nationale des Maures qui protège la tortue d’Hermann.

Vous avez parcouru le monde et l’avez vu changer. Êtes-vous optimiste ou pessimiste ? Il y a encore des tortues menacées mais depuis 30 ans, grâce au travail des associatio­ns, des tas de petits centres se sont créés pour protéger ces animaux au Mexique, en Afrique du Sud, en Malaisie… Je suis optimiste car nous accueillon­s beaucoup de jeunes. Ceux de 20 à 30 ans ne font plus des études en biologie de muséum mais en biologie de conservati­on. C’est un gage d’espoir. Je suis sûr que dans 50 ans, il y aura une grosse améliorati­on, mais il faut aller vite. L’urgence c’est de créer des réserves, de protéger, étudier et relâcher. C’est de l’écologie de base.

Quel sera votre prochain voyage ?

Madagascar, pour y relâcher 500 tortues rayonnées, volées par des trafiquant­s qui devaient les vendre en Asie. Elles sont envoyées dans notre centre de Mangily pour être soignées, réadaptées. Nous créons ensuite des postes de guides pour les suivre. C’est un travail énorme mais qui donne de bons résultats.

Savoir +

Mon Tour du monde en 80 tortues , édition Delachaux et Niestlé, 494 pages, 22,90 euros.

 ?? (Photos Valérie Le Parc) ?? Sa passion des tortues a fait parcourir le monde à Bernard Devaux. Il raconte un grand nombre de ses voyages dans un captivant roman d’aventures.
(Photos Valérie Le Parc) Sa passion des tortues a fait parcourir le monde à Bernard Devaux. Il raconte un grand nombre de ses voyages dans un captivant roman d’aventures.

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