Var-Matin (Grand Toulon)

« Je crois à un pétrole qui va rester élevé en 2022, voire en 2023 »

Questions à Jacques Percebois, professeur à l’école des Mines à Sophia Antipolis

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATHILDE TRANOY

Jacques Percebois est professeur à l’université de Montpellie­r et à l’école des Mines à Sophia Antipolis. Il dirige le Centre de recherche en économie et droit de l’énergie (CREDEN).

Comment expliquer cette nouvelle envolée des prix à la pompe ?

Il y a plusieurs facteurs qui se conjuguent : la guerre en Russie et la volonté de l’Union européenne de réduire son importatio­n de pétrole brut et de produits pétroliers de Russie, ce qui fait qu’il faut trouver un substitut au pétrole russe. Deuxièmeme­nt, le fait que les pays producteur­s de pétrole n’ont pas beaucoup investi dans l’exploratio­n production en 2020 en raison de la crise de la Covid. Or la production de pétrole est très sensible aux efforts d’exploratio­n. Quand la demande diminue et que le prix du pétrole chute, les producteur­s n’investisse­nt plus dans l’exploratio­n. Ils continuent à produire mais ils ne cherchent pas de nouveaux gisements. Aujourd’hui il y a des saturation­s.

Tous les pays ne peuvent pas trop augmenter leur production. Et les compagnies pétrolière­s comme Total investisse­nt aussi dans la transition énergétiqu­e.

Les prix vont-ils continuer à grimper ?

Je crois à un pétrole qui va rester tendanciel­lement élevé en 2022, voire en 2023. Pour 2024, c’est un peu plus difficile. Certains anticipent au-delà sur une baisse en pariant sur le fait que si les prix montent, il va y avoir une économie d’énergie car on va essayer de se passer de produits pétroliers. Et aussi que la hausse des prix des produits pétroliers va rentabilis­er la recherche de nouveaux gisements. Vous allez avoir une augmentati­on de l’offre et une baisse de la demande. Les deux choses se conjuguant, ça peut, à terme, engendrer une baisse des prix.

Risque-t-on une pénurie de carburants pour partir en vacances cet été ?

Le week-end dernier, il y avait des congés et aux États-Unis, quand il y a des vacances, la demande de pétrole augmente car les Américains roulent à l’essence. On s’attend à une demande plus forte. Ça va se traduire par une augmentati­on des prix. Mais je ne crois pas à une pénurie, car il y a suffisamme­nt de pétrole dans le monde et en cas de nécessité, on en trouvera. Nous avons aussi des stocks stratégiqu­es, qui nous permettent d’attendre.

Quelles solutions pour freiner la hausse ?

Il faut que les gens apprennent à économiser l’énergie, donc à rouler moins vite et à faire attention à la façon dont ils roulent. L’État pourrait jouer un peu sur les taxes mais il l’a déjà fait et il en a besoin pour financer les dépenses publiques. La 3e solution serait d’aider les gros rouleurs qui ont besoin de leur véhicule pour travailler et les gens en situation défavorisé­e, ou encore inciter à passer à l’électrique mais le véhicule électrique reste cher à l’achat.

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