Le pari risqué de l’abstention
Aucun doute : le parti politique le plus important en France est celui des abstentionnistes. Tout montre que le scrutin du 12 juin, ce dimanche, se dirige vers un record d’abstention. Comment expliquer cette indifférence des Français, si prompts à s’indigner lorsque quelque chose ne va pas ? Pourtant il y a bien désormais en France trois forces, le réformisme d’Emmanuel Macron, l’union de la gauche derrière JeanLuc Mélenchon, la France aux Français de Marine Le Pen : il devrait être facile à chacun d’exprimer sa préférence. Mais, sauf sursaut de dernière heure, ce ne devrait pas être le cas. Près de 45 % des Français n’iront pas voter dimanche. Comme si le peuple français qui est, on le sait, un des plus spontanément mécontents, revendicatifs – en un mot, de mauvaise humeur – était indifférent aux objectifs qui lui sont présentés, aux moyens d’y parvenir, et aux desseins qui lui sont proposés. Comme s’il n’avait envie d’aucune majorité, ou pire, s’il pensait qu’aucun responsable politique n’avait d’influence sur le monde tel qu’il va, sur la France telle qu’elle vit. Il est vrai que la campagne législative, comme la présidentielle sans doute, a été particulièrement calme et qu’elle n’a pas suscité grand enthousiasme. Elle a été marquée par des polémiques, certes : l’échec total du maintien de l’ordre au Stade de France, la mise en cause de Damien Abad pour viol, où le Parquet, d’habitude si prompt à ouvrir des enquêtes en période électorale, a ici renoncé à le faire. Mais pas la moindre bataille d’idées. Et pas davantage de débats sérieux sur les perspectives géopolitiques que dessine la guerre en Ukraine, qui fait trembler le monde entier. En dehors de la Nupes, l’union des gauches marquant un rapprochement plus électoral que politique – pour qui toutes les propositions émanant d’autres qu’elle doivent être écartées par principe –, personne n’a débattu. Les candidats sont restés le nez sur leur circonscription, tandis que le Président est intervenu bien tardivement, dans la presse régionale samedi dernier, pour exhorter ses troupes à défendre à la fois leur bilan et leur avenir. Disons-le : une si grave abstention fait craindre que les vraies batailles n’aient pas lieu dans les urnes, mais dans la rue. Les futurs abstentionnistes devraient y réfléchir avant d’aller à la plage dimanche.
« Une si grave abstention fait craindre que les vraies batailles n’aient pas lieu dans les urnes, mais dans la rue. »