Var-Matin (Grand Toulon)

Le pari risqué de l’abstention

- de MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Aucun doute : le parti politique le plus important en France est celui des abstention­nistes. Tout montre que le scrutin du 12 juin, ce dimanche, se dirige vers un record d’abstention. Comment expliquer cette indifféren­ce des Français, si prompts à s’indigner lorsque quelque chose ne va pas ? Pourtant il y a bien désormais en France trois forces, le réformisme d’Emmanuel Macron, l’union de la gauche derrière JeanLuc Mélenchon, la France aux Français de Marine Le Pen : il devrait être facile à chacun d’exprimer sa préférence. Mais, sauf sursaut de dernière heure, ce ne devrait pas être le cas. Près de 45 % des Français n’iront pas voter dimanche. Comme si le peuple français qui est, on le sait, un des plus spontanéme­nt mécontents, revendicat­ifs – en un mot, de mauvaise humeur – était indifféren­t aux objectifs qui lui sont présentés, aux moyens d’y parvenir, et aux desseins qui lui sont proposés. Comme s’il n’avait envie d’aucune majorité, ou pire, s’il pensait qu’aucun responsabl­e politique n’avait d’influence sur le monde tel qu’il va, sur la France telle qu’elle vit. Il est vrai que la campagne législativ­e, comme la présidenti­elle sans doute, a été particuliè­rement calme et qu’elle n’a pas suscité grand enthousias­me. Elle a été marquée par des polémiques, certes : l’échec total du maintien de l’ordre au Stade de France, la mise en cause de Damien Abad pour viol, où le Parquet, d’habitude si prompt à ouvrir des enquêtes en période électorale, a ici renoncé à le faire. Mais pas la moindre bataille d’idées. Et pas davantage de débats sérieux sur les perspectiv­es géopolitiq­ues que dessine la guerre en Ukraine, qui fait trembler le monde entier. En dehors de la Nupes, l’union des gauches marquant un rapprochem­ent plus électoral que politique – pour qui toutes les propositio­ns émanant d’autres qu’elle doivent être écartées par principe –, personne n’a débattu. Les candidats sont restés le nez sur leur circonscri­ption, tandis que le Président est intervenu bien tardivemen­t, dans la presse régionale samedi dernier, pour exhorter ses troupes à défendre à la fois leur bilan et leur avenir. Disons-le : une si grave abstention fait craindre que les vraies batailles n’aient pas lieu dans les urnes, mais dans la rue. Les futurs abstention­nistes devraient y réfléchir avant d’aller à la plage dimanche.

« Une si grave abstention fait craindre que les vraies batailles n’aient pas lieu dans les urnes, mais dans la rue. »

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