Maître, j’ai une question...
Chaque semaine, Maître Frédéric Casanova nous éclaire sur des points de droit liés à votre vie quotidienne. Si vous souhaitez lui soumettre une question, contacteznous par mail à l’adresse suivante : varmatin.avocat@gmail.com ou par courrier à Var-matin, 64 bd Clemenceau, 83000 Toulon. Les réponses seront à retrouver dans ces chroniques, chaque vendredi.
◗ Succession
Dans certaines successions, des dissensions se font jour à propos des avantages procurés à certains héritiers du vivant de leurs parents. Si le rapport à la succession, c’est-àdire la prise en compte de l’avantage dans le calcul des droits des héritiers est évident en cas de don d’une somme d’argent, il l’est beaucoup moins en cas de mise à disposition d’un logement. Jean-François nous demande si l’héritier qui a été logé gratuitement dans un bien appartenant au défunt, doit une indemnité à la succession. Cette question, en apparence très simple, a fait l’objet de multiples revirements de jurisprudence de la part de la Cour de Cassation. Aujourd’hui encore, même si une solution semble se dessiner, rien n’apparaît réellement figé. Pendant des années, la Cour de Cassation a considéré que la mise à disposition d’un logement constituait un avantage et que l’héritier bénéficiaire devait verser à la succession une somme correspondant au loyer qu’il aurait payé pendant toute la durée d’occupation du bien. Depuis 2012 la Cour de Cassation a ajouté une condition à cette solution. Il convient désormais de prouver l’intention libérale du défunt, c’està-dire la volonté de s’appauvrir dans le but d’avantager un héritier. Dans les faits, cette preuve peut être difficile à rapporter. Allant plus loin encore, la Cour de Cassation a retenu en 2017, dans un cas précis, la qualification de prêt à usage pour ce type d’avantage, excluant donc tout paiement d’indemnité par l’héritier logé gratuitement même en cas de preuve d’intention libérale. Il semble cependant que cette dernière décision reste un cas isolé et l’on peut raisonnablement affirmer que si les héritiers prouvent l’intention libérale, l’héritier avantagé sera obligé de payer une indemnité à la succession. Attention cependant, cette solution ne vaut pas si l’héritier est hébergé au domicile où ses parents résident. Dans ce cas, la Cour de Cassation a pu estimer que l’hébergement gratuit n’était que la contrepartie de services rendus par l’enfant qui a par exemple permis au défunt de se maintenir à son domicile plutôt que de se loger en maison de retraite.
◗ Succession
Roger nous demande si une servitude de passage se perd par le non-usage trentenaire. Si un terrain est enclavé, l’article 682 du Code civil prévoit qu’un passage doit lui être accordé sur le terrain voisin pour accéder à la voie publique. Ce type de servitude, même s’il peut résulter d’un accord entre deux propriétaires et donc faire l’objet d’une convention notariée, est considéré comme une servitude légale du fait qu’il est régi par l’article 682 du Code civil. De ce fait, la servitude ne se perd pas par le non-usage trentenaire comme le rappelle régulièrement la Cour de Cassation. Par contre, il est important de noter que, comme le prévoit l’article 685 du Code civil, son assiette, c’est-àdire le chemin sur lequel elle s’applique, s’acquiert par 30 ans d’usage continu même si cette assiette n’est pas définie conventionnellement.