Var-Matin (Grand Toulon)

Une fausse avocate face à la juge des affaires familiales

Une ancienne avocate du barreau de Carpentras, qui avait raccroché la robe en 2016, a plaidé sans en avoir le droit au palais judiciaire de Draguignan.

- V. W.

On ne peut pas être et avoir été, disait le poète. Astrid D., elle, a essayé. Par deux fois, en novembre 2018 et février 2019, devant la juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Draguignan. En adressant également un courrier à Me Gilles Ordronneau en mars 2019 en commençant son propos par «Mon cher confrère ».

Autant de délits d’exercice illégal de la profession d’avocat, faisant encourir à son auteur un an d’emprisonne­ment et 15 000 euros d’amende. Car si Astrid D. a pu enfiler la robe un temps dans sa carrière profession­nelle, elle n’est plus aujourd’hui auxiliaire de justice.

Avocate au barreau de Carpentras durant huit ans, la jeune femme demande fin 2016 son omission pour raisons personnell­es. Quand elle décide, en mars 2018, de se réinscrire au barreau d’Avignon, elle se heurte à plusieurs obstacles « d’ordre administra­tif ». Évasive, la prévenue ne parvient pas à expliquer pourquoi elle n’a pas réussi à obtenir l’exeat auprès (1) du barreau de Carpentras.

« Pour moi, cela ne posait pas de problème »

« Ce n’est pas parce qu’un rapporteur, à Marseille ou à Avignon, donne un avis favorable, qu’on redevient aussi sec avocat, souligne le bâtonnier Lionel Escoffier intervenan­t aux intérêts du barreau de Draguignan. Il faut s’acquitter de sa contributi­on aux charges de l’Ordre, qui lui seul statuera ensuite sur le fond. »

Pour ne pas rester le bec dans l’eau, Astrid D. devient juriste auprès d’un avocat raphaëlois spécialisé dans le droit commercial. « Durant trois ans, elle exerce ces fonctions, détaille son avocate, Me Gaële Guenoun. Par deux fois, parce qu’il était malade et parce qu’il était en délicatess­e avec la partie adverse, son employeur l’a sollicitée pour savoir si elle pouvait plaider à sa place. » « Pour moi cela ne posait pas de problème, car mon dossier de réinscript­ion au barreau de Carpentras était en cours, s’excuse Astrid D.. J’ai anticipé car je ne comprenais pas pourquoi je n’étais toujours pas inscrite. » « Il ne fallait pas présuppose­r» la tance la procureure Mathilde Gauvain.

« Une ébauche destinée à un client »

Concernant le courrier adressé à Gilles Ordronneau, la prévenue assure que ce n’était qu’une ébauche envoyée par erreur par quelqu’un d’autre. « C’était une ébauche destinée à un client. Je n’ai pas signé en tant qu’avocate. » « Mettre son nom, même sur un brouillon alors qu’on n’exerce pas la fonction, cela peut porter à confusion, s’écrie Me Escoffier. Il y a une raison si la fonction d’avocat est réglementé­e. »

Malgré les efforts de son conseil, qui s’est ému qu’Astrid D. ait pu « être dénoncé par des confrères qui ont prêté serment », provoquant l’ire du bâtonnier, l’avocate qui n’en était plus une est condamnée à 5 000 euros d’amende. Le tribunal n’a pas prononcé à son encontre l’interdicti­on d’exercer une activité de formation. Ce qui est désormais sa profession, auprès d’élèves en droit et sciences politiques... 1. L’exeat est un document autorisant un avocat à quitter un barreau pour s’inscrire dans un autre.

 ?? (Photo AFP) ?? L’ancienne avocate affirme avoir anticipé sur sa réintégrat­ion au barreau de Carpentras. À tort, car elle n’a jamais obtenu l’autorisati­on d’exercer.
(Photo AFP) L’ancienne avocate affirme avoir anticipé sur sa réintégrat­ion au barreau de Carpentras. À tort, car elle n’a jamais obtenu l’autorisati­on d’exercer.

Newspapers in French

Newspapers from France