Une carte 3D de la Voie lactée dévoilée à Nice
La publication de milliards d’informations collectées par le satellite Gaïa a été annoncée hier à la communauté scientifique internationale depuis l’Observatoire de la Côte d’Azur.
Le directeur de l’agence spatiale européenne (ESA), Joseph Aschbacher, apparaît sur l’écran déployé sous la grande coupole de l’Observatoire de Nice. « C’est une journée très excitante que nous attendions depuis longtemps », confie l’équivalent européen du patron de la Nasa, en direct depuis Madrid. Ce lundi 13 juin 2022 pourrait en effet marquer un tournant dans l’histoire de la compréhension de l’univers.
À midi, le troisième catalogue de données collectées par Gaïa a été publié. Depuis son lancement en 2013, ce satellite scanne l’immensité qui nous entoure pour y identifier les objets célestes. Position, taille, mouvement, vitesse quantique, température, masse, composition chimique... Ce sont plus d’un milliard et demi d’étoiles dont le « CV » a été dressé, établissant du même coup une cartographie en trois dimensions de notre galaxie, la Voie lactée, avec une précision sans précédent. La finesse des relevés peut être comparée à l’observation d’un cheveu qui se situerait à 1 000 kilomètres de distance !
2 000 milliards d’informations
Gaïa est « un petit bijou de technologie », souligne Philippe Baptiste, le président du Centre national d’études spatiales (Cnes) qui, en l’espace de « trois années d’acquisition », a réussi à collecter « deux mille milliards d’informations » ! Grâce à plus de 430 chercheurs et ingénieurs répartis dans 24 pays différents. Une incroyable collaboration internationale dans laquelle la France, et notamment les équipes de l’Observatoire de la Côte d’Azur, a joué un rôle prépondérant. «Un quart des ressources humaines de la mission Gaïa sont en effet françaises », insiste Philippe Baptiste. Et « 80 % des données collectées » ont été traitées dans un immense data center à Toulouse. Le laboratoire Lagrange de Nice a largement contribué à ce titanesque inventaire. Et ce n’est pas par hasard que le site de l’Observatoire a été choisi pour annoncer au monde la mise en ligne de la plus complète des encyclopédies de l’univers. Les bases de données mises à disposition de la communauté scientifique mondiale depuis hier midi recèlent, François Mignard (le directeur scientifique de Gaïa en France) en est convaincu, la matière première qui permettra demain de réaliser « des découvertes majeures ».
460 ans de calculs pour un ordinateur lambda
Les chercheurs n’ont pas tardé à se plonger dans ce « livre de l’histoire galactique ». En effet, Gaïa voit bien au-delà de notre système solaire et même de la Voie lactée. Ces télescopes et instruments scrutent aussi l’univers lointain. Le troisième catalogue de données répertorie notamment 4,8 millions d’autres galaxies et 6,6 millions de quasars avec leurs trous noirs super denses. Il recense près de 160 000 astéroïdes au sein de notre système solaire, soit dix fois plus que nous n’en connaissions jusqu’à présent. Il documente 813 000 étoiles binaires. Cette gigantesque base donnée a également identifié plus de six mille soleils équivalents au nôtre et potentiellement 200 exoplanètes qui, sait-on jamais, abritent peut-être une forme de vie. Les scientifiques estiment que d’ici la fin de la mission Gaïa en 2030, ce grand livre de l’univers mentionnera sans doute l’existence de 10 000 exoplanètes ! En attendant, les données collectées sont déjà vertigineuses : 5 000 téraoctets d’informations qui ont nécessité la construction d’un gigantesque data center à Toulouse pour les analyser. Six mille coeurs de calcul s’y emploient 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. En fait, si les données avaient dû être traitées par un ordinateur classique cela aurait pris 460 ans !
Et pourtant, au terme de sa mission, Gaïa n’aura finalement cartographié que 1 % de la Voie lactée et des 200 milliards d’étoiles qui composent notre seule galaxie... Un pas de fourmi à l’échelle de l’univers, mais un pas de géant pour sa compréhension.