Avec « Good », les débris spatiaux sous surveillance
Inauguré hier sur le plateau de Calern, ce télescope va permettre un suivi plus précis de l’orbite des satellites. Pour limiter les risques de collision alors que le trafic spatial explose.
Attention, ça bouchonne en orbite ! Il est loin (et il fut court) le temps où Spoutnik 1, lancé en octobre 1957, était le seul satellite autour de la Terre. La course à l’espace – entre une URSS et des États-Unis en pleine Guerre froide – le développement des télécommunications, de l’observation terrestre sont, depuis, passés par là. Dernière émanation de ce mouvement, l’avènement récent du « New Space » (1), qui vient amplifier, de manière exponentielle, le « trafic spatial », avec les risques que cela comporte. Cette problématique est la raison d’être du télescope « Good » (2), inauguré, hier matin, sur le plateau de Calern, un site de l’Observatoire de la Côte d’Azur (OCA). Développé à l’initiative de Thales Alenia Space (TAS), l’instrument est le fruit d’une collaboration avec l’OCA, via le laboratoire commun créé dès 2018. « On sait déjà cartographier les satellites et les débris [satellites inopérants, étages de fusées, fragments provenant d’explosions ou de collisions passées, etc., Ndlr] mais cet instrument va permettre de calculer les paramètres orbitaux avec une précision bien supérieure, explique Philippe Pelouas, directeur de programme européen chez TAS (observation et sciences). Ces mesures vont permettre de développer de nouvelles applications. »
« On est proche de la congestion »
Offrir un suivi plus précis des mises en orbite des nouveaux instruments, de la surveillance des trajectoires des débris ou la détection de satellites inconnus. « Tout cela doit nous permettre d’anticiper et, ainsi, d’éviter les manoeuvres en urgence, voire les collisions. »
Avec, déjà, des débouchés pratiques. « TAS vient juste de lancer NileSat 301 [un satellite de télécommunications, Ndlr] et les collègues nous demandent si l’on peut échanger les données », assure Gautier Durand, à l’origine, dès 2014, du projet « Good » chez Thales Alenia Space. « Il va participer, aussi, à la connaissance de l’environnement orbital, un domaine en plein développement. »
Justement, en orbite, la saturation est-elle si avancée que le laissent penser certaines images, notamment celles fournies par la Nasa ? « Sur l’orbite basse [jusqu’à 1 400 km d’altitude, très utilisée pour l’observation de la Terre ou la météorologie, Ndlr] on va approcher de la congestion, avec la présence de constellations, comme Starlink [déployées par Space X, Ndlr] .Ilvafalloir apprendre à gérer ça, détaille
Gautier Durand. Sur l’arc géostationnaire [jusqu’à 36 000 km, davantage dédiée aux télécommunications et à la Défense, Ndlr], les satellites sont, en quelque sorte, parqués dans des “boîtes” et, normalement, n’en bougent pas. Mais, là aussi, on commence à saturer. »
Le prélude à une « police de l’espace » ?
Plus d’activité, donc plus de débris. Avec le risque de déclencher le syndrome de Kessler (vous avez vu le film Gravity ?) où l’accumulation de « déchets » créerait des collisions à la chaîne ? « Ce n’est pas exclu, concède-t-il. Mais, si l’on met vite en place les bonnes pratiques et un maintien du suivi, on peut éviter tout ça. »
Développer les moyens d’empêcher le pire, à défaut de limiter un mouvement qui semble, désormais, inéluctable. Pour les satellites de Thales comme pour les autres structures en orbite. L’exemple type : la Station spatiale internationale (ISS) qui a dû, à plusieurs reprises, effectuer des manoeuvres d’évitement. « Cette gestion du trafic spatial est analogue à l’évolution du trafic aérien, où il a fallu, au fil du temps, mettre en place des règles, une organisation, un suivi, compare Philippe Pelouas. On n’en est qu’au début. Et, un jour, peut-être, il existera une police de l’observation spatiale, qui utilisera des télescopes similaires à “Good”. »
1. Né aux États-Unis et favorisé par le cadre juridique local, le « New Space » désigne l’ouverture de l’industrie spatiale à de nouveaux acteurs, notamment privés.
2. Pour « Ground Optical Orbit Determination ».