Prison pour un jeune Russe impliqué dans une arnaque
En 2020, un réseau de trafiquants a acheté et revendu aussitôt au moins dix-huit véhicules, en passant par un site d’annonces entre particuliers. Voitures et argent, les victimes ont tout perdu.
La duplicité des escrocs sur les sites de petites annonces n’a décidément rien à envier aux mauvais génies. Lasse et désabusée, serrée contre son mari sur le banc des parties civiles, Sofia raconte la douloureuse arnaque,
(1) dont elle a été victime. En septembre 2020, elle met en vente sa belle Mercedes blanche sur le site ultra-prisé Leboncoin. À 15 000 euros, elle trouve un acquéreur qui lui envoie la photo d’un chèque de banque portant le montant demandé. Sofia présente la photo à sa propre banque qui en vérifie les numéros et le valide. Le soir même, la voiture est vendue, la transaction se passe sans anicroche. Sofia porte alors le chèque à sa banque… qui le rejette 15 jours après ! Envolée la Mercedes et les 15 000 euros avec.
En prison pour les mêmes faits
« En fait, les escrocs avaient une incroyable astuce, expliquera en aparté son mari. Dans le même temps, ils ont vendu notre voiture à un prix cassé à un autre acquéreur qui a pris en photo son propre chèque de banque. C’est cette photolà que nous avons reçue. Mais le chèque remis le soir de la transaction était un faux, trafiqué. Entretemps notre voiture a été vendue à quelqu’un d’autre. On a tout perdu… ». Le couple attendait donc beaucoup de cette audience au tribunal de Draguignan. Le coeur battant, ils fixent le jeune Russe de 21 ans qui se tient dans le box, blond comme les blés, soupçonné d’être l’une des petites mains de ce vaste réseau qui a sévi dans tout le Var cet été-là. « Quelqu’un m’a dit, va vendre une voiture et je te donne de l’argent, j’en avais besoin, je ne peux pas travailler, je n’ai pas de papier, je n’ai rien volé » martèle Kirill, extrait de la prison de Grasse, où il purge une peine de 10 mois de prison pour une affaire similaire. Il soutient avoir oublié le montant de ses commissions.
Le président du tribunal, JeanLouis Galopin, compulse le volumineux dossier et lui rafraîchit la mémoire. « Mille euros c’est bien ce que vous aviez dit ? ». Kirill acquiesce, en faisant la moue. C’est de cet ordre-là. « Votre dossier ce n’est pas du vol, c’est un stratagème avec usurpation d’identité ! » rétorque la procureure Débora Collombier. Et de passer en revue les dixhuit véhicules concernés, le nombre incalculable de numéros de téléphone et adresses mails du site Leboncoin passés au crible pour remonter la filière. Avec ses longs cheveux clairs, Kirill a été identifié sans peine par plusieurs victimes sur planche photo. Mais pas par Sofia, c’est un autre escroc qui a récupéré sa Mercedes.
Une fourmilière d’usurpateurs
La procureure souligne d’ailleurs l’union des trois parquets de Grasse, Nice et Draguignan pour s’y retrouver dans cette fourmilière d’usurpateurs. Puis tour à tour, les magistrats s’échinent à comprendre le parcours de vie chaotique du jeune prévenu. Né dans le fin fond du grand nord russe, Kirill est arrivé sur le territoire à 6 ans pour se frotter aux geôles françaises à 20. « J’ai quitté le lycée en seconde, j’ai fait des bêtises, d’accord mais si on m’empêche de travailler… ». La procureure lui enjoint d’obtenir un titre de séjour valable au lieu de se livrer à des « infractions lucratives ».« Pensez à la vie que vous voulez avoir ! ».
Le tribunal l’a au final condamné à six mois de prison ferme. Sur son banc, Sofia a le regard vide. Elle a été déboutée. L’espoir d’une indemnisation a pris la tangente avec sa Mercedes.
1. Le prénom a été changé