France-Japon : les marines se retrouvent à Toulon
Pour la première fois depuis 39 ans, deux navires de la flotte japonaise ont jeté l’ancre dans la rade de Toulon. Tout sauf un hasard lorsque l’on observe le rapprochement entre les deux marines depuis quelques années. Décryptage.
Près de 550 officiers de la Marine japonaise, dont 160 élèves officiers, ont arpenté les rues toulonnaises du 11 au 14 juin. Une escale, en terre provençale, très appréciée par ces marins venus de l’autre côté du globe et qui arment le Kashima, navire amiral de la flotte pour la formation des équipages, ainsi que le Shimakaze, destroyer lance-missiles. À travers un tour du monde de plus de 120 jours, l’objectif de la mission japonaise, Cruise 2022, est double : « Nous développons la mise en condition opérationnelle des élèves officiers tout en faisant la promotion de l’amitié avec des pays en réalisant des escales », explique le commandant de l’escadre, le contre-amiral Shukaku Komuta. Il poursuit : « Aujourd’hui, avec la France, nous avons l’occasion de réaliser des exercices conjoints. Dans le futur, ces entraînements vont se répéter de manière plus active. »
Développer un réseau de partenaires
En Indopacifique, la montée en puissance et les envies d’expansion du voisin chinois, remettent en cause le droit et les règles internationales. Face à ces menaces, la 4e marine du monde cherche donc à développer un réseau de partenaires pour dissuader les coups de force et faire contrepoids à la Chine. Parmi eux, les États-Unis mais aussi la Marine nationale, dont la présence dans la zone indopacifique est permanente. « Avec la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, la France est une nation du Pacifique », souligne Céline Pajon, chercheuse, spécialiste du Japon et de l’Indopacifique à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Elle développe : « Tokyo s’est même appuyé sur cette présence française dans la zone pour encourager Paris à adopter sa propre stratégie indopacifique. Les déploiements navals français qui sont montés en fréquence ces dernières années – notamment avec le passage du sous-marin d’attaque Émeraude en mers de Chine – sont très appréciés et assoient la crédibilité de la France comme acteur de sécurité régional. » Outre un espace géographique, la France et le Japon partagent des valeurs démocratiques, soutiennent le multilatéralisme et l’ordre international libéral fondé sur des règles, notamment la liberté de navigation, quand la Chine mène une stratégie du fait accompli. « Il existe une claire convergence entre les deux pays sur la nécessité de proposer une alternative à la Chine dans la région », précise la spécialiste.
Partage de valeurs communes
Pour mettre en forme et officialiser ces accords, un partenariat entre la France et le Japon avait été signé en 1995 puis il a été élevé au rang « d’exception » en 2013 avant qu’une nouvelle feuille de route bilatérale soit signée en 2019. Cette dernière fonde un partenariat dans l’Indopacifique dans quatre domaines prioritaires : la sécurité maritime ; le climat, l’environnement et la biodiversité ; les infrastructures de qualité ; la santé. « D’un point de vue militaire, des exercices navals sont régulièrement organisés, en format bilatéral ou avec la participation de partenaires. En 2021, l’exercice amphibie ARC21 qui s’est déroulé, sur les îles du sud-ouest du Japon, entre les forces de défense françaises, américaines, japonaises et australiennes a montré une avancée significative dans l’interopérabilité entre ces pays », détaille Céline Pajon.
Sur le plan industriel, un accord sur le transfert d’équipements et de technologies de défense permet le partage de certains matériels de défense et de services.
‘‘ La France est une nation du Pacifique”