Dans le haut Var, les maires des villages inquiets et dans le flou
Comme une odeur de soufre et de brûlé planait sur Aiguines hier. Depuis samedi, la commune en bord du lac de Sainte-Croix était menacée par le violent incendie de Canjuers qui a ravagé plus de 1 800 hectares.
« Quand le vent a tourné vers le nord dimanche et que le feu menaçait de franchir la crête du Grand Margès, cela nous a vraiment inquiétés », raconte Charles-Antoine Mordelet, le maire.
« Là, ils ont mis le paquet avec six Canadair et deux Dash 8 en rotation ininterrompue jusqu’à plus de 21 heures. » Sur place l’incompréhension règne.
« Comment est-ce possible de tirer alors qu’on vit une sécheresse inédite depuis le mois de décembre ? », s’interroge une riveraine alors qu’un hélicoptère de largage des pompiers passe dans le ciel au loin.
« Je suis très content de la présence des militaires sur notre territoire, et je ne suis pas antimilitariste, mais il est clair qu’il y a eu un manque de bon sens », déplore l’édile aiguinois se voulant mesuré. « La préfecture nous demande de ne rien faire en cas d’alerte, ni barbecue, ni balades dans les massifs et eux tirent. C’est incohérent… »
« Ce qui me dérange le plus, c’est qu’on est au courant de pas grand-chose »
D’autres maires des villages alentour sont davantage outrés par ce qu’il se passe. « Ce qui me dérange le plus, c’est qu’on n’est au courant de pas grand-chose », regrette Raymond Gras, maire de Montferrat, village porte d’entrée du camp de Canjuers. «Ilserait bon que l’armée s’adapte aussi au contexte climatique », estime-t-il en ajoutant « comprendre la nécessité de rendre nos unités opérationnelles étant donné le contexte mondial ».
Même son de cloche pour Émile Calchiti,
maire de Bauduen. « Nous ne savons pas grand-chose de ce qu’il se passe ; que les militaires aient la politesse de nous le dire », regrette-t-il de la Grande Muette. « D’autant plus qu’en tant que maires, nous sommes dans ces cas extrêmes chargés de déclencher les plans communaux de sécurité pour mettre les habitants et les touristes à l’abri. »
« C’est absolument scandaleux ! », s’emporte quant à lui Philippe MuratDavid, à la tête du village de Vérignon. « Il ne faut plus tirer dès que la zone est déclarée en alerte sécheresse… » Il faut que les pratiques changent selon le maire : « Nous allons devoir nous réunir avec les maires de l’intercommunalité et nos homologues limitrophes du camp de Canjuers et voir si on ne peut pas déposer une plainte collective ou une remarque auprès de la préfecture. »
« Pas de réunion en vue pour le moment », prévient Roland Balbis, maire de Villecroze et président de l’intercommunalité.
Même si le feu est fixé, beaucoup craignent pour l’avenir. « Nous allons avoir un été difficile, et il faudrait en cas de sécheresse prolongée en septembre que les tirs ne reprennent pas », conclut Charles-Antoine Mordelet. «Ilnefaut pas oublier que c’est en septembre que le grand incendie du Grand Margès s’était déclaré. » En 1985.
Là encore le sinistre était dû à un exercice de tirs. 3 000 hectares étaient partis en fumée.