Var-Matin (Grand Toulon)

« Mes chiens n’aboient pas plus que nécessaire »

La justice a donné raison à un éleveur de Garéoult, assigné pour « trouble anormal de voisinage » en raison des aboiements de ses chiens de protection. Un problème pour le monde agricole.

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

Entre le chant du coq ou les cloches des vaches, les odeurs du purin ou le bruit des tracteurs la nuit, les agriculteu­rs sont de plus en plus souvent pointés du doigt par leur voisinage, voire attaqués ou traduits en justice. Un éleveur de brebis de Garéoult vient de vivre cette expérience. Et si le juge a débouté ses voisins (1), le phénomène se multiplie, inquiétant les profession­nels.

En l’espèce, les trois voisins d’une même famille, dont l’un exploite un domaine viticole, ont assigné Franck Tilotta devant le tribunal de proximité de Brignoles. Ils soutenaien­t que les aboiements de ses chiens de protection de son troupeau de brebis constituen­t un « trouble anormal du voisinage », leur domicile étant situé à environ 150 mètres de la parcelle de l’éleveur, et que « ces aboiements sont récurrents et durent parfois des heures » de jour comme de nuit.

« Je n’ai pas le choix »

Ils demandaien­t au tribunal de le condamner, entre autres, à poser des colliers électrique­s anti-aboiement sur ses auxiliaire­s de travail dans l’attente de trouver un autre moyen pour que les aboiements cessent, et à leur verser à chacun 6 000 euros en réparation du préjudice subi.

Franck Tilotta a pu se défendre avec de sérieux arguments. « Comme tous les éleveurs, je n’ai pas le choix. Je suis obligé d’avoir des moyens de protection contre la prédation. En 2016, un loup solitaire traînait dans les environs, j’ai eu une seule brebis tuée. L’hiver 2021, un autre solitaire était présent. Mes chiens ont repoussé ses tentatives alors qu’il tournait autour de la bergerie. Mon voisin chevrier, lui, s’est fait tuer deux chèvres àmoinsde2k­m».

Il a fait intervenir un comporteme­ntaliste canin de l’Institut national de l’élevage, rattaché au ministère de l’Agricultur­e. « Il est venu et a dormi sur place pendant deux jours. Il a constaté que le niveau d’alerte de mes chiens n’a rien d’anormal ni d’excessif » dit-il. Le spécialist­e, dont le rapport a été versé au dossier, souligne que les colliers anti-aboiement génèrent une anxiété qui s’ajoute au stress de la présence d’un danger, et que cette anxiété de l’appréhensi­on de la punition interdit de repousser le danger.

Un constat d’huissier

Enfin, le constat d’un huissier indique que les chiens aboient lorsqu’il s’approche du portail, qu’ils cessent quelques minutes après qu’il soit hors de leur vue, et qu’ils n’aboient pas lorsqu’il reste à une distance de 40 à 50 mètres du portail. De même, la mairie dans un courrier atteste que « les rapports et constats de la police rurale, de jour et de nuit, ne permettent pas de dresser procès-verbal ».

Tous ces éléments ont convaincu le tribunal de l’absence d’un trouble anormal de voisinage et d’un préjudice indemnisab­le. Relevant, en outre, que Franck Tilotta et ses voisins résident dans une zone à vocation agricole, le magistrat a débouté ces derniers de l’ensemble de leurs demandes. Ceux-ci peuvent faire appel.

1. Jugement du 17 mai 2022.

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(Photos Florian Escoffier) Franck Tilotta ne peut pas se passer de ses chiens de protection de troupeau, efficaces contre les prédateurs, notamment le loup.

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