Var-Matin (Grand Toulon)

Jeu des sucettes : 20 ans requis contre l’accusé

L’avocate générale a requis la peine maximale à l’encontre du père de famille poursuivi par la cour d’assises du Var pour viols sur mineures en 2018 et 2019 à Solliès-Ville.

- V. W.

Au fil de son procès, Gabriel s’est affaissé dans (1) son box. Au point de finir mercredi matin plié en quatre sur son banc, invisible à la vue de la cour d’assises du Var. Insaisissa­ble. Fuyant. À chaque question du président Patrick Véron, les mêmes éléments de réponses, aussi flous que frustrants : « Je ne sais pas », « Si elles le disent », «Je n’ai pas réfléchi » ...

«Périphrase molle »

Constammen­t dans la « périphrase molle », l’accusé n’a effectué au bout de trois jours d’interrogat­oire et d’examen des faits qu’un timide pas en direction des parties civiles. Oui, le 25 mai 2019, sa fille Louise et sa camarade Fanny

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ont bien vu son sexe sortir du trou de la planche en bois qu’il avait confection­né pour le « jeu des sucettes » (lire nos précédente­s éditions).

Oui, il a bien réalisé en octobre 2018 les deux vidéos retrouvées sur une clé USB, montrant Carole et Sophie en train de réaliser une fellation. Mais pas sur lui, soutient-il. « Ce n’était pas mon pénis, mais un godemiché réel (sic). J’avais filmé pour montrer ensuite tout ça aux filles. Mais ça faisait trop film porno. Ça m’a dégoûté. » « Un godemiché réaliste au point de laisser un filet de sperme sur la bouche d’un enfant... » s’insurge l’avocate générale Hortense Pain.

Oui donc pour la corruption de mineurs. Mais trois fois non pour les viols dont il est accusé, y compris celui sur Ambre. Cette dernière avait mis un terme au jeu quand Gabriel l’avait prévenue « de ne pas mettre les dents ». « J’ai compris que ce n’était pas une sucette, a raconté la jeune fille à la barre. Ça ne pouvait être que ses parties génitales... »

« Je pensais que ça les amusait »

Selon le quadragéna­ire, les adolescent­es suçaient un godemiché recouvert d’un préservati­f qui allait ensuite être percé pour qu’elles goûtent une mixture faite d’eau, de farine et de sel. «Jen’ai pas su relever la connotatio­n sexuelle de ce jeu, bredouille Gabriel. Je pensais que ça les amusait. » – « Non ça ne les amusait pas, peste Patrick Véron. Une a refusé, l’autre a trouvé ça bizarre. Elles avaient entre 12 et 14 ans. Il n’y a que vous qui ne trouviez pas ça bizarre ! »

Ce « jeu lubrique », dixit Me Frédéric Frenzel intervenan­t en partie civile, a été le fruit d’une constructi­on mentale, d’une « sordide préméditat­ion » aux yeux de l’accusation. Un « moyen pour assouvir les pulsions d’un pervers manipulate­ur et pédophile » estime l’avocate générale.

Au terme d’un court réquisitoi­re, elle a réclamé la peine maximale encourue et le retrait de l’autorité parentale. « Vingt ans, qu’est-ce que c’est quand on a commis de tels actes ? Pas grand-chose en réalité. Face à son manque d’explicatio­n, ses sept victimes, ce n’est pas cher payé. »

Expertise médicale

Bien évidemment, l’avocat de la défense Romain Callen n’est pas de cet avis. « Vingt ans requis en vingt minutes, je n’ai jamais vu cela. Dans une cour d’assises, l’émotion n’est pas tout. Il y a le droit aussi. Sur cette base, il y a de quoi dire. » Notamment, selon lui, sur les accusation­s de viols dont son client fait l’objet.

Car s’il estime que les jeunes victimes n’ont jamais menti, «ceque les vidéos attestent », le doute reste possible sur la matérialit­é juridique de l’acte. « L’expertise médicale a confirmé que le sexe de Gabriel comporte une tache, particular­ité visuelle qu’on ne retrouve pas sur les vidéos. Il faut envisager que ce qui est montré sur ces films ne soit pas le pénis de monsieur mais un godemiché couleur chair, comme il l’affirme. »

Les jurés se feront une opinion définitive ce jeudi. Le verdict devrait être rendu en fin de matinée.

1. Pour protéger l’anonymat de la fille de l’accusé, victime et partie civile dans ce dossier, le prénom du mis en cause a été changé.

2. Tous les prénoms des mineures ont été changés.

 ?? (Photo V. W.) ?? En défense, maître Romain Callen estime que son client « méritait une démonstrat­ion de culpabilit­é et non pas la simple propositio­n d’une peine d’éliminatio­n ».
(Photo V. W.) En défense, maître Romain Callen estime que son client « méritait une démonstrat­ion de culpabilit­é et non pas la simple propositio­n d’une peine d’éliminatio­n ».

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