On vous embarque à bord
Le 1er juillet prochain l’Abeille Méditerranée sera officiellement baptisée. Mais sans attendre, elle a déjà pris la relève de la glorieuse Flandre. Reportage à bord de l’un des plus puissants remorqueurs de haute mer au monde
Plus long, plus haut, plus puissant. En décidant de remplacer sa vieillissante Flandre après plus de 40 ans de bons et loyaux services, la société Abeilles International a en quelque sorte adapté la devise olympique. Et c’est vrai que l’Abeille Méditerranée, le tout nouveau remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage (RIAS) chargé de protéger le littoral français méditerranéen, est impressionnante. Même vue du quai d’honneur de la base navale de Toulon. Amarrée sur son arrière, la Flandre paraît d’ailleurs toute petite. Presque fragile. Tout à coup, son glorieux passé ne pèse plus très lourd. Mais c’est au large, le plus souvent dans la tempête, qu’on juge des qualités réelles d’un
« Saint-Bernard des mers ».
« L’un des remorqueurs les plus puissants au monde »
Sur le papier, il n’y a pas photo. Avec ses 91 mètres de long (contre 63 m), mais surtout une capacité de traction de 280 tonnes (contre 160 t), la Méditerranée est beaucoup plus puissante que la Flandre. « C’est aujourd’hui l’un des remorqueurs les plus puissants au monde », revendiquent les Abeilles International. Qu’en est-il sur l’eau ? « Le flotteur est très sain », confie Frédéric Denis, l’un des deux commandants de l’Abeille Méditerranée avec Didier Arrese-Igor. Encore faut-il apprendre à dompter les capacités hors norme du navire.
C’est ce que s’attachent à faire les marins depuis l’arrivée de la Méditerranée à Toulon le 7 juin. Tenu par contrat d’appareiller en 40 petites minutes, 365 jours par an, le moment où le nouveau remorqueur de haute mer devra intervenir « pour de vrai » ne tardera pas. L’explosion, mardi dernier au large de Toulon, à bord du MSC Rachele, rendant indisponible la propulsion du porte-conteneurs, l’illustre parfaitement.
Alors en attendant de devoir larguer les amarres en urgence, l’Abeille Méditerranée répète ses gammes. Inlassablement. Avec dans le rôle du navire en détresse, une fois n’est pas coutume… l’Abeille Flandre. L’arroseur arrosé en quelque sorte. Ainsi le 10 juin, les deux remorqueurs s’étaient donné rendezvous dans le sud des Deux Frères. S’il y a de la houle résiduelle, le temps est résolument beau. Trop. « Le flux des hélices repousse la Flandre », explique le commandant Denis, obligé de se représenter. La deuxième fois est la bonne. Lorsque la poupe de la Méditerranée arrive à une quinzaine de mètres de l’étrave de la Flandre, le pacha donne l’ordre à la radio : « Plage arrière, dès que vous vous sentez pour le tir, vous pouvez y aller ». Le tir au fusil lance-amarre est parfait. En une poignée de minutes à peine, «le gréement est connecté » .La Flandre est prise en remorque.
« La Méditerranée étant plus grosse, on ressent moins les choses qu’à bord de la Flandre, un navire plus physique. Il va falloir qu’on développe des sensations. La veille, par 3540 noeuds de mistral, des conditions d’intervention plus pertinentes, l’Abeille Méditerranée s’est avérée très confortable. Y compris pour les marins travaillant sur la plage arrière » , raconte le commandant Denis. Le bosco confirme « ce sentiment de sécurité ». Rassurant lorsqu’il faudra passer dans une mer démontée une remorque – un câble d’acier de 70 mm de diamètre – à bord d’un porte-conteneurs géant.
S’il ne fait aucun doute qu’il était temps de remplacer la Flandre, le commandant Denis, qui a navigué de longues années à son bord, ne peut s’empêcher d’avoir « un pincement au coeur ». Il faut dire que « six mois de l’année, le remorqueur constitue une autre maison, une autre famille pour nous. La Flandre était un bateau très sympa. On va devoir recréer une vie sur la Méditerranée ».
‘‘ Il va falloir qu’on développe des sensations ”