« Il faut profiter de la vie jusqu’au bout ! »
■ Fanny : « Être infirmière, c’est partager au vrai sens du terme »
L’équipe soignante de Lacassagne entoure un malade. Blouses blanches et costume noir. A droite, il y a Fanny, 35 ans, infirmière à Lacassagne. La photo « parle d’humanité, de patients qu’on ne doit pas réduire à la simple étiquette de malades », raconte la soignante. « Être infirmière, c’est partager au vrai sens du terme, développer un partenariat avec le patient, aider, gagner la confiance », défend-elle. Dans son travail, elle croise « des hommes, des femmes qui sont dans une phase aiguë de leur vie ». Elle croise la mort aussi tous les jours. Alors, pour elle, « ces gestes d’amour entre patients et soignants, une main sur l’épaule, une petite caresse qu’a su capter la photographe », et qui jalonnent l’expo, sont essentiels. Pour les malades. Et pour les soignants : «Onleur apporte mais ces rencontres de vie nous apportent aussi beaucoup ».
■ Emmanuel :
« J’ai posé pour les autres malades » La photo a été prise en mars, place
Pellegrini, au pied de l’appartement thérapeutique de la Maison Sainte-Croix où Emmanuel reprenait doucement pied après une leucémie, une greffe et quatre ans de lutte contre la maladie. C’était il y a quatre mois à peine. Ça semble loin pour Emmanuel :
« Aujourd’hui, je revis » .Ila « trouvé son propre appartement, trouvé un petit mitemps comme chauffeur livreur ».
Le cancer est toujours là, épée de Damoclès, mais la vie reprend ses droits. Emmanuel a posé sans réfléchir une seconde : « Je l’ai fait pour les autres malades, pour leur dire “Si on a envie on peut s’en sortir. Si on n’a pas envie, c’est sûr, on ne s’en sort pas” ».
■ Stéphanie : « Mon infirmière m’a aidée à me faire belle »
Elle regarde la photo.
Elle avec son infirmière fétiche, Marine. C’était il y a deux mois, une consultation à l’hôpital. « J’avais encore des cheveux », dit-elle tristement en réajustant machinalement son joli turban. Stéphanie a 40 ans, l’âge de la vie devant soi. Elle a appris l’année dernière qu’elle avait un cancer du foie. « Ça a commencé par une douleur sous la côte. J’étais secrétaire médicale, j’en ai parlé aux médecins avec lesquels je travaillais ».
Prise de sang, IRM, scanner, biopsie et le mot qui tombe : « cancer ». Et le monde qui s’effondre. Traitements, lourds, difficiles, parcours de combattante. «Au début, tu penses que tu as une chance sur deux de mourir ».
Et puis, il y a eu l’équipe de Lacassagne, Marine, l’infirmière qui partage sa passion des chevaux. Il y a eu aussi son papa « qui a mis sa vie entre parenthèses pendant un an », Laurent, son amoureux, qui est toujours là, pour le meilleur comme pour le pire. Et puis, il y a eu l’espoir. « Quand la photographe m’a proposé de poser, je lui ai répondu : “Pas maintenant je n’ai pas le moral” ». Puis Marine m’a aidée à me faire belle.
Elle regarde le cliché encore. Elle est belle « même avec le cancer ». Et elle sourit, un immense sourire : « Cette photo m’inspire la vie. Le cancer est toujours actif mais la vie, j’y crois ».
■ Liane : « Je ne vais pas pleurer, il faut profiter de la vie jusqu’au bout »
Sa fille pousse son fauteuil roulant jusque sous le cliché. L’image d’une dame éclatante de vie, tout sourire. Elle s’appelle Liane Bataille. Et sa bataille à elle, c’est le cancer. Le cancer du sein en 2010, puis des métastases osseuses, la douleur, les jambes et le coeur qui flanchent. Chimio, radiothérapie, rayons, cimentoplastie, « j’ai fait tout ce qu’on pouvait faire », explique Liane. Puis elle lâche : « Aujourd’hui, il n’y a plus de traitement pour moi » . La mort en face. Affrontée les yeux dans les yeux. «78ans c’est un bel âge pour partir. C’est mieux de partir que de ne plus marcher, de devenir une épave. Je ne vais pas pleurer ». Derrière les lunettes de soleil de sa fille, on sent les larmes. Liane, elle, ne cille pas. Et elle sourit malgré l’inéluctable. Elle sourit comme sur la photo prise en mai à Lacassagne : « J’étais contente. Dans ma vie, il ne me reste plus que mes petitsenfants et ce petit rendez-vous médical agréable grâce au docteur Gilbert. Il faut profiter de la vie jusqu’au bout ».