TOUCHE PAS À MES PRÉROGATIVES
Les réflexes corporatistes participent à la mise à mort du système de santé. Et l’on ne peut pas, sur ce point, incriminer les instances politiques. Véritable serpent de mer, la délégation de tâches, qui se résume à confier à quelqu’un d’autre une mission dans l’intérêt de la collectivité, se heurte depuis des décennies à la fronde de la profession, appelée à céder un peu de ses responsabilités. Touche pas à mes prérogatives. On se souvient ainsi de la mobilisation des médecins contre la délégation de la vaccination aux pharmaciens. Ou encore de la fronde des infirmiers, vent debout contre l’amendement visant un transfert de certaines de leurs compétences aux aides-soignants. Deux exemples parmi tant d’autres. Et toujours le même épilogue : on remet ça à plus tard. En clair, on refile la patate chaude au prochain gouvernement. Mais le motif systématiquement évoqué par les frondeurs, à savoir le risque d’une baisse de la qualité des soins, ne tient plus. Les sages-femmes sont là pour le rappeler. Objet de l’ire des gynécologues, qui ont considéré qu’on assimilait les deux professions après le lancement en 2016 de la campagne gouvernementale « Six bonnes raisons de consulter une sage-femme », elles rappellent aujourd’hui que les grandes perdantes de ces guerres corporatistes, ce sont les patientes elles-mêmes. Le premier risque d’une baisse de qualité des soins est associé à l’absence de soignants pour les délivrer. Dans le contexte de pénurie que nous connaissons, de désaffection pour les métiers de la santé, faute de reconnaissance, n’y a-t-il pas matière à réfléchir urgemment ?