Var-Matin (Grand Toulon)

« Réveillé par des missiles russes qui tombent sur Kiev »

Hier à l’aube, quelques heures avant l’ouverture, en Allemagne, d’un sommet du G7 largement consacré à l’Ukraine, le Kremlin a de nouveau ciblé la capitale ukrainienn­e. Témoignage.

- De notre envoyé spécial en Ukraine, PATRICK FORESTIER

Il est 6 h 20 du matin, hier (5 h 20 dans l’Hexagone). Réveil en sursaut par deux déflagrati­ons suivies de deux autres aussi puissantes. Sur le coup, on s’interroge. Fenêtre fermée avec le bruit de la climatisat­ion, je n’ai pas entendu la sirène. Faut-il aller au moins dans le couloir, pour s’éloigner de la grande fenêtre vitrée qui éclaire la chambre de mon hôtel du 9e étage d’un immeuble moderne de la rive droite ? Ou bien faire confiance au hasard, comme la majorité des Ukrainiens ? Je choisis la seconde option. La probabilit­é qu’un missile tombe pile sur mon bâtiment situé au milieu d’une immense ville très étendue et à moitié déserte de plusieurs millions d’habitants est peu probable.

Replonger les civils dans la peur

Un risque toutefois nettement plus élevé cette fois-ci car ce sont apparemmen­t douze missiles, selon un député ukrainien, que l’armée russe a tirés sur la capitale, qui n’offre pourtant plus d’objectifs stratégiqu­es particulie­rs. Les forces et le matériel militaires sont en effet plutôt répartis vers l’est, au Donbass, pour freiner la poussée russe, qui avance un peu plus chaque jour grâce à la supériorit­é numérique de son artillerie. Depuis trois semaines, la capitale était épargnée. Pour rétablir la pression avant les sommets du G7 en Allemagne et de l’Otan à Madrid, le maître du Kremlin a validé le tir d’une pluie de missiles, heureuseme­nt intercepté­s en majorité par la défense antiaérien­ne ukrainienn­e. Bilan provisoire : deux blessés dans les trois derniers étages d’un immeuble en feu. Mais les dégâts sont importants. Vêtus de leurs combinaiso­ns jaunes, les pompiers cherchent des survivants parmi les blocs de béton. « Des gens restent sous les décombres », apprend-on sur la messagerie Telegram, très regardée en Ukraine. Le bilan peut donc s’alourdir. De

(1) quoi replonger la population dans la peur, alors qu’elle pouvait espérer être épargnée depuis que la guerre se concentre au Donbass. Réveillées en sursaut, des familles sont sorties paniquées, vêtues d’un pyjama ou en chemises de nuit. Peu sont descendues dans les caves ou les abris, fatalistes après plus de quatre mois de guerre.

« Poutine est un malade »

Des voitures circulent en ce dimanche de bombardeme­nt, mais presque personne dans les rues. « Poutine est un malade », essaye de me faire comprendre mon chauffeur de taxi, qui m’amène à la gare routière où je dois prendre un autobus pour Varsovie. Un voyage d’une vingtaine d’heures. Seul moyen de quitter le pays, car les rares trains affichent toujours complet. Une façon, peut-être, d’estomper la difficulté des chemins de fer à faire circuler des trains, alors que les missiles russes essayent de détruire les ponts et les noeuds ferroviair­es. À la gare routière, les magasins sont fermés. Les employés du KFC se sont réfugiés dans l’arrière-cuisine. Une seconde alerte retentit. Le gardien, un grand costaud en uniforme beige, me demande d’aller me réfugier au fond de la galerie marchande. Nous attendons tous que le calme revienne, sans savoir si la Russie va tirer de nouveaux missiles depuis la mer Noire. 1. Il était passé hier soir à un mort et six blessés, dont une fillette de 7 ans.

 ?? (Photo MaxPPP/EPA) ?? Sur douze missiles lancés, quatre ont frappé le même quartier. L’un d’eux a détruit trois étages d’un immeuble d’habitation ; un autre est tombé sur un jardin d’enfants à proximité. Moscou a déclaré avoir ciblé l’usine d’armement Artem présente dans cette zone du nord-ouest de la capitale.
(Photo MaxPPP/EPA) Sur douze missiles lancés, quatre ont frappé le même quartier. L’un d’eux a détruit trois étages d’un immeuble d’habitation ; un autre est tombé sur un jardin d’enfants à proximité. Moscou a déclaré avoir ciblé l’usine d’armement Artem présente dans cette zone du nord-ouest de la capitale.
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