Le regain des menaces
Absorbée par une situation politique inédite depuis 1958, la France prend-elle la mesure des menaces qui obscurcissent l’avenir européen ? Le sommet de l’Otan qui se tient à partir d’aujourd’hui à Madrid devrait en dire la gravité. En partant à l’assaut de l’Ukraine, Vladimir Poutine a confirmé sa volonté de retrouver une zone sous domination russe comparable à celle que connut l’Union soviétique. Il s’y emploie depuis des années. La mèche qu’il a allumée n’est donc pas près de s’éteindre si son entreprise ukrainienne se termine par une victoire. L’Europe et l’Otan sont du coup confrontées à des choix stratégiques qui les divisent. L’Union Européenne (UE) veut une paix rapide et semble parfois prête à accepter un accord qui laisserait le Donbass passer sous le contrôle de Moscou. Pour les ÉtatsUnis, la Grande-Bretagne et tous les pays frontaliers de la Russie, un tel compromis serait un aveu de faiblesse et un feu vert donné à Poutine – qui ne croit qu’aux rapports de force – pour d’autres conquêtes.
La brusque aggravation de la tension entre le Kremlin et la Lituanie à propos de l’enclave russe surarmée de Kaliningrad, coincée entre la Pologne et ce petit Etat balte, membre de l’Union européenne, en témoigne. Le gouvernement de Vilnius a décidé de restreindre l’approvisionnement en marchandises de cette fenêtre russe sur la mer baltique. Conformes aux sanctions décidées par l’UE, les mesures lituaniennes visent à bloquer le transit d’une longue liste de produits par voie ferroviaire entre la Russie et Kaliningrad. La réaction russe a été immédiate et menaçante. Moscou évoque « des conséquences sérieuses », remet en cause les frontières entre les deux pays et a même lancé que la Lituanie vient «dese tirer une balle dans la tête ». L’Otan – très présente dans cette zone sensible –, l’UE et la France, qui y a envoyé 4 Mirage, ne peuvent rester les bras croisés. Or, sur ces terrains de tensions, les guerres naissent souvent d’un simple incident...
Le risque est tout aussi sérieux entre la Turquie et la Grèce. Le conflit latent qui les oppose, à propos des îles de la mer Egée, à nouveau s’envenime. Chacun accusant l’autre de ne pas respecter les traités de Lausanne (1923) et de Paris (1947) qui régissent cet espace maritime depuis toujours disputé. Attisées par Recep Tayyip Erdogan, les tensions ressurgissent à présent et, avec elles, le spectre de la guerre. Pour de bonnes raisons, l’Otan s’en inquiète. Le climat européen actuel rappelle de plus en plus les heures incertaines qui ont précédé les deux conflits mondiaux. Comme si l’engrenage de la guerre, stoppé depuis 1945, se remettait inéluctablement en marche sur le vieux continent.
« Le climat européen actuel rappelle de plus en plus les heures incertaines qui ont précédé les deux conflits mondiaux. »