Var-Matin (Grand Toulon)

Notre avis

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Confiée au studio d’Angoulême Shan Too, la modélisati­on en 2D ne trahit pas l’esprit du dessin originel du Petit Nicolas. Et après la mort de Sempé, à 89 ans, le fait de s’immiscer dans l’intimité du duo incroyable­ment créatif et prolifique qu’il formait avec Goscinny est assez précieux. En découvrant certains de leurs traumatism­es d’enfance, on comprend mieux leur envie de donner vie à cette bande de gosses « idéale ». Le rythme assez souple, à rebours des production­s parfois survitamin­ées et saturées de couleurs de notre époque, est assez séduisant.

D’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre (France-Luxembourg). Avec les voix de Laurent Lafitte, Alain Chabat, Simon Faliu... Animation. 1 h 22. Notre avis :

Moins de deux mois après la disparitio­n de son cocréateur, Jean-Jacques Sempé, Le Petit Nicolas renaît sur grand écran. Présenté lors d’une séance spéciale ayant fait le bonheur de centaines d’écoliers lors du dernier Festival de Cannes, Le Petit Nicolas - Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? a poursuivi sa trajectoir­e prometteus­e au Festival du film d’animation d’Annecy, où il a décroché le Cristal du long-métrage. Récompense bienvenue pour le duo Amandine Fredon-Benjamin Massoubre, qui a passé près de sept ans sur cet ambitieux projet.

Les réalisateu­rs ont choisi de se concentrer sur la naissance de ce gamin facétieux, plein d’énergie et toujours entourée d’une bonne bande de copains. L’occasion de se pencher sur ses « papas », Sempé et Goscinny. Deux mythes dont le grand public sait en réalité peu de choses. Leur amitié, leur parcours, mais aussi leur enfance et ses tourments y sont évoqués avec une certaine délicatess­e. Tandis que Sempé est incarné vocalement par Laurent Lafitte, Alain Chabat double Goscinny. À Cannes, il nous avait dit combien il avait apprécié cela...

Que représente Le Petit Nicolas pour vous ?

C’est un très bon souvenir d’enfance. J’ai même continué à me replonger dans ces histoires longtemps après. Je les entendais parler, ça me faisait rire fort. Je ne sais plus comment j’avais découvert ces livres, mais je les avais dévorés les uns derrière les autres. Quand tu es petit, c’est extra de trouver le goût de la lecture dans un truc qui n’est pas intimidant. Je lisais beaucoup de BD, évidemment. Mais

Le Petit Nicolas a servi de transition vers les “livres sans images”.

Chacun pouvait s’identifier à un membre de la bande... Nicolas, je le voyais comme un petit chef de bande. Et j’avais le sentiment d’avoir un petit peu de chacun d’eux en moi. Sauf le bagarreur. C’était Rufus ? Si ça se trouve, je l’ai complèteme­nt inventé ! [le personnage s’appelait Maixent, ndlr]. Moi, je n’étais pas bagarreur, je me faisais taper !

Quand Anne Goscinny, fille de René et coscénaris­te, vous a sollicité pour prêter votre voix à son père, avez-vous dit ‘‘oui’’ sans hésiter ?

J’ai réfléchi un petit moment, parce que je trouvais que la responsabi­lité était importante. Puis je me suis dit que si Anne Goscinny m’avait proposé de prêter ma voix à son papa, c’est qu’elle pensait que je pouvais le faire. Après cette mini-pression, je me suis lancé.

Au-delà du fait d’avoir porté à l’écran Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, avez-vous un sentiment de proximité avec René Goscinny ?

Son sens de la comédie me parle si fort... J’adore cette façon d’être discret sur le message, de mettre le spectacle en avant, mais sans jamais en faire un truc creux. Les thèmes sont toujours très forts. Comme dans La Zizanie pour Astérix ou dans tous les Lucky Luke .Ilya aussi la bêtise hilarante d’Iznogoud, avec des calembours atroces. Et dans Le Petit Nicolas, on retrouve une vraie poésie. Je reste hyper influencé par Goscinny. Il est attaché, d’une manière ou d’une autre, à une énorme partie de mes lectures de bandes dessinées. Moi, si j’avais créé ne serait-ce que Lucky Luke, je me serais arrêté là et j’aurais été super-content de ma vie. Lui, il a fait ça, Iznogoud, Le Petit Nicolas, Astérix ,ilaété rédacteur en chef de Pilote ,ila créé le studio Idéfix pour faire de l’animation... Autant de talent dans la même personne, c’est un truc de cinglé, tout comme sa discipline de travail.

Quid de Sempé ?

Sempé, c’est un immense dessinateu­r. J’ai l’impression qu’il attaque directemen­t à la plume, sans un trait de crayon en dessous. Et qu’à la fin, il y a un immeuble haussmanni­en avec des platanes à côté, des bagnoles, un petit bonhomme et une légende... Tout ça a un côté mystérieux.

Des Gamins au Marsupilam­i en passant par Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre ou Santa Claus, vous entretenez votre âme d’enfant ?

Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler ! (il se marre) Non mais, c’est vrai, j’ai l’impression d’être le fruit d’un mélange entre Goscinny, Walt Disney, Hara-Kiri et Charlie Hebdo. J’adore l’humour qui me perturbe, qui pique un peu, autant que ce monde imaginaire qui ramène à l’enfance.

Le Petit Nicolas avulejoure­n 1956. Si l’on en croit certains esprits chagrins, les “jeunes d’aujourd’hui” seraient moins enclins à faire travailler leur imaginaire. Pensez-vous qu’ils se projettero­nt encore avec plaisir dans cet univers ?

Je crois, oui. Quand j’étais gosse, on me disait que la bande dessinée allait me rendre débile. Après, on a dit pareil pour la télé et les jeux vidéo. Aujourd’hui, les réseaux sociaux. Dès qu’il y a un truc un peu nouveau, c’est la même chose. Ou alors, on devient de plus en plus cons et je ne m’en rends pas compte.

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