Var-Matin (Grand Toulon)

Louis Garrel « UN POLAR SENTIMENTA­L »

Devant et derrière la caméra, l’artiste signe L’Innocent, un drôle de polar ludique et maîtrisé de bout en bout.

- CÉDRIC COPPOLA magazine@nicematin.fr

L’Innocent mélange les registres et les tonalités. Dans quel ordre vous sont venues les idées et a-til été délicat de les agencer ?

Je ne sais pas… Ce sont des espèces de gestes qui s’empilent les uns au-dessus des autres. Je me dis tout d’abord : “Tiens, je voudrais faire un polar sans flics tout en partant d’une histoire que je connais bien”. À ce moment-là, je pense à ma mère, la réalisatri­ce Brigitte Sy, qui animait des ateliers en prison et s’est mariée avec un détenu… Ensuite, comme j’aime les histoires d’amour au cinéma, j’ai pensé que l’idéal serait de rendre ce polar sentimenta­l… sans occulter le côté familial ! Enfin, il y avait l’idée de m’appuyer sur des personnage­s très caractéris­és, définis pour que le film mette en valeur des performanc­es d’acteurs… en espérant que les spectateur­s tomberont amoureux d’eux et aient envie que leur braquage réussisse.

Lors de certaines scènes, les personnage­s apprennent à jouer la comédie. La volonté de faire une mise en abîme de votre métier ?

Je ne voulais pas d’une chronique naturalist­e, mais lorgner vers un film d’évasion, avec une aventure un peu extraordin­aire. D’emblée, j’ai fait le choix que les acteurs soient costumés et de faire admettre, comme au théâtre, la convention au spectateur. Il accepte que tout n’est qu’artifice et, par ricochet, que ces personnage­s vont faire semblant de ne pas savoir jouer. Ce qui n’est vraiment pas facile à faire ! Mais plus le film était joueur, plus c’était chouette ! Il y a quelque chose de l’ordre de l’enfance avec ces adultes qui s’amusent à faire un braquage. J’ai également remarqué que les gens qui sortent de prison entretienn­ent un rapport entre la fascinatio­n que les gens éprouvent pour eux et un sentiment de honte. Il y a une sorte de mythologie des grands braqueurs, des grands voleurs, fabriquée en grande partie par le cinéma.

Le couple constitué d’Anouk Grinberg et de Roschdy Zem s’est immédiatem­ent imposé comme une évidence ?

Le casting a été plutôt long. Personnell­ement, je me prends d’affection pour les couples de cinéma. Souvent, je me souviens d’un film grâce à eux. En conséquenc­e, j’ai précisé à Roschdy Zem, avec toute l’admiration que j’ai pour lui, qu’il me fallait avant tout un duo. De son côté, il m’a avoué avoir trop joué de voyous et qu’il aurait refusé le rôle s’il n’y avait pas eu la romance. Il m’a convaincu tout de suite qu’il était le bon acteur mais je le mettais quand même en suspens en faisant plusieurs combinaiso­ns avec des comédienne­s. Le jour où Anouk Grinberg est arrivée, ils m’ont ému aux larmes. Tout simplement parce que je m’inquiétais pour eux.

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