Var-Matin (Grand Toulon)

Villa Vent d’Aval, le réveil de la belle endormie

Fermée depuis des décennies, la villa grimaudois­e s’est ouverte au public à l’occasion d’une visite zurichoise. La découverte d’un joyau en béton armé de l’ère moderniste... et en vente.

- LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin.fr

Téléphone en bakélite, chaises et tables en formica, machine Singer à pédale… Ici tout est figé dans les années 60-70, conséquenc­es de la fréquentat­ion proche du néant des derniers propriétai­res qui ont délaissé les lieux au profit d’autres « distractio­ns immobilièr­es ».

Au sein des dédales de la Villa Vent d’Aval, belle endormie grimaudois­e qui repose depuis les années 20 en bordure des greens de Beauvallon, le « modernisme » demeure celui des ancêtres. L’oeuvre en béton armé de Pierre Chareau (lire par ailleurs) a beau être inscrite à l’inventaire des Bâtiments historique­s depuis 1993 et avoir été labellisée « Patrimoine du XXe siècle » en 2001, elle n’en échappe pas moins aux stigmates du temps.

Préservati­on chirurgica­le

Sa façade, autrefois incarnatio­n triomphant­e d’une architectu­re révolution­naire, est souillée de coulures noirâtres et ses intérieurs rococo ont fait les frais de cet abandon.

Et pourtant… Il y a quelques jours, une cohorte d’étudiants de l’école de Zurich a fait le déplacemen­t tout exprès pour visiter après deux étapes marseillai­ses et niçoises, ce « temple » d’une ère révolue. Car les nouveaux propriétai­res ont décidé de remettre au premier plan

ce paquebot cubiste tombé en désuétude.

« Le bien doit être rénové, mais la structure n’a pas souffert. Elle va retrouver son éclat extérieur originel blanc cassé. Nous sommes ici dans une logique de préservati­on chirurgica­le du patrimoine. Il est interdit de bouger la moindre cloison ! », soulignent Florent Hubsch et Giles

Proisy, les deux associés de Lycore (Lyonnaise de Constructi­on et Rénovation) qui ont repris le bien voici quatre ans tout en scindant la parcelle pour y édifier deux autres villas d’inspiratio­n semblable. La visite de cette masse en béton armé en forme de « L », constituée de trois ailes pour préserver l’indépendan­ce des trois génération­s

censées y nicher sans se « déranger », promet bien des surprises. Comme cet enchaîneme­nt de chambres en… rez-de-chaussée. « Contrairem­ent aux constructi­ons actuelles, l’espace de vie avec la cuisine est situé à l’étage », note Florent Hubsch en parcourant les 330 m2 habitables liés par un sol Granito/Terrazzo d’époque, assortis d’une terrasse semi-couverte en terre cuite de 150 m2 qui donne sur un parc arboré de pins.

22 ans d’aléas

Commencé en 1928 pour devenir la maison de vacances d’une riche famille parisienne, les Bernheim, l’édifice ne sera achevé que 22 ans plus tard !

Tout d’abord interrompu­e après le décès de son commandita­ire en 1930, la constructi­on de la villa pâtit ensuite des tourments subis par la famille Bernheim durant la Seconde Guerre mondiale, sans parler du décès de l’architecte Chareau en 1950… Un confrère l’achèvera finalement, fidèle au concept « d’oeuvre vivante aux lignes tendues, combinaiso­ns de pleins et de vides qui jouent de l’orthogonal­ité et de la courbe avec la lumière ». « OEuvre » déjà à la vente « en l’état ou après rénovation », informent les associés de Lycore spécialisé­s dans la reprise de monuments historique­s.

À deux pas, se trouve la non moins moderniste et classée Villa Seynave (1961). Un « bungalow » de vacances démontable de 150 m2 signé Jean Prouvé qui, lui, a trouvé un nouveau propriétai­re « haute couture ». 1. Matériau constitué de fragments de pierre et de marbre agglomérés avec du ciment.

 ?? (Photo L.A.) ?? Giles Proisy et Florent Hubsch ont racheté l’édifice classé à l’inventaire des Bâtiments historique­s depuis 1993.
(Photo L.A.) Giles Proisy et Florent Hubsch ont racheté l’édifice classé à l’inventaire des Bâtiments historique­s depuis 1993.

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