« Notre société nous rend tous plus addicts »
Un petit coup de déprime ou besoin d’un petit moment de détente ? Comme avec la cigarette, la nicotine de la puff a l’effet d’aplanir les sautes d’humeur et de satisfaire ses consommateurs. Mais elle est d’abord et avant tout une addiction.
Les explications du docteur Faredj Cherikh, psychiatre et addictologue à Nice.
La puff est-elle un danger de plus pour rendre les ados accros ?
Oui, car elle les confronte à une consommation précoce. C’est un dérivé pour développer de réelles addictions.
Est-il exact de dire que plus on commence jeune, plus on devient addict ?
Ce n’est pas si simple, même si, en effet, des études montrent que lorsque l’on commence à consommer un produit addictif de façon précoce, le risque d’addiction est élevé.
Par contre, il faut nuancer.
Il y a des facteurs de vulnérabilité comme les maltraitances ou les facteurs génétiques qui augmentent eux aussi le risque.
Pourquoi la nicotine est-elle tant consommée ?
Parce qu’elle a double effet : elle apaise et stimule selon son humeur. C’est pourquoi on dit que cette molécule a un effet biphasique.
En quoi la nicotine est nocive ? Elle est dangereuse car elle a des effets addictogènes en euxmêmes. Quand on supprime la nicotine, une décompensation psychiatrique peut se produire. On peut se sentir apathique. Or, on ne peut pas vivre avec le besoin d’un apport de substances pour stimuler notre système.
La puff encourage-t-elle vraiment la consommation de tabac ?
Ce qui est dangereux, c’est l’accoutumance. Et c’est elle qui conduit à la cigarette, tout comme la cigarette peut conduire vers la cocaïne quand l’effet recherché est la stimulation ou l’héroïne quand il s’agit de vouloir se détendre.
La puff n’est-elle pas deux fois plus addictive en raison de l’association de la nicotine au goût sucré ?
Le côté sucré est un effet marketing qui augmente les ventes de produits. En ce moment, on voit également des alcools qui proposent cette même saveur ; je pense à la bière au goût framboise par exemple. L’objectif est clair : le cerveau associe le goût sucré à une récompense. Et ça, ça augmente le niveau addictogène.
Dans le registre des addictions, la puff n’est-elle pas un moindre mal ?
On pourrait parler d’une politique de réduction des risques puisqu’elle contient moins de substances toxiques et addictogènes. Mais on n’a pas le contrôle de ce qu’il y a dans les cigarettes électroniques. Retrouver la liberté, c’est arrêter.
Si la puff est moins addictogène, peut-on alors dire que les jeunes sont moins accros que nos grands-parents à la Gitane sans filtre ou nos parents à la Marlboro rouge ? Ce qui est nouveau, ce sont les réseaux sociaux qui font le buzz. Notre société nous rend tous plus addicts par les stratégies de marketing. Et l’on voit une nouvelle génération dépendante de phénomènes comportementaux, avec une composante compulsive bien plus importante qu’auparavant. C’est par exemple le cas avec le binge drinking [alcoolisation ponctuelle importante, Ndlr] qui nuit davantage à la santé qu’une consommation régulière mais plus pondérée.