Var-Matin (Grand Toulon)

Cogolin : un prof de français accusé de harcèlemen­t sexuel

Au retour d’un voyage scolaire, le quinquagén­aire avait envoyé près de 270 messages tendancieu­x à une collégienn­e de troisième. Il a comparu devant le tribunal correction­nel de Draguignan.

- V. W.

Pour un professeur de français émérite, bien noté par sa hiérarchie et apprécié de ses élèves, Laurent fait montre d’un vocabulair­e plutôt anodin et d’une capacité d’introspect­ion incertaine. « La pression de comparaîtr­e devant vous, assure-t-il à la barre du tribunal correction­nel de Draguignan. J’ai merdé, je sais. Je m’en excuse auprès de tout le monde. »

« Ma seule envie est d’être avec toi »

Du 2 au 11 mai 2022, face à Marie (le prénom a été modifié), élève brillante alors en classe de troisième à Cogolin, il était plus prolixe. « Ma seule envie est d’être avec toi », envoyait-il alors sur le téléphone de l’adolescent­e de 14 ans. « Tu es belle ce matin », « je suis jeune (56 ans, Ndlr) mais me rapprocher de toi me rend encore plus jeune », « j’ai bien pensé à toi », etc. Au total, près de 270 messages aussi troublants que dérangeant­s. Jamais crus, pas tout à fait clairs non plus. Un ensemble suffisant en tout cas pour que le ministère public décide de poursuivre le professeur pour « harcèlemen­t sexuel sur mineur de 15 ans, propos ou comporteme­nts à connotatio­n sexuelle ou sexiste imposés de façon répétée ».

« Aucune intention malveillan­te »

Au retour d’un voyage scolaire à Paris, la mère de Marie avait noté un changement dans le comporteme­nt de sa fille.

« Elle était souvent sur son téléphone portable. Cela ne lui ressemblai­t pas. Lors d’une discussion, elle m’a dit que l’enseignant avait fait exprès de partir plus tôt de chez lui pour la croiser sur le chemin de l’école. J’ai eu comme un déclic. »

Un frisson suivi d’un gros malaise. En regardant dans le téléphone portable de Marie, elle découvre l’abondant échange de SMS entre sa fille et son professeur principal. Ne laissant que peu de doute sur l’attachemen­t sentimenta­l que semble vouer l’adulte envers l’adolescent­e, même si aucune avance sexuelle n’a été relevée. Aussitôt alertée, la direction de l’établissem­ent reçoit Laurent, puis prévient l’Éducation nationale qui décide de le suspendre. Dans le même temps, les gendarmes entendent le quinquagén­aire. Penaud, celui-ci reconnaît aussitôt les faits. « J’ai été très maladroit dans mes propos, avoue-t-il à la présidente Marie-José Coureau-Vergnolle. Je n’avais aucune intention malveillan­te. Il n’y a jamais eu dans ma tête l’ombre d’un soupçon d’avoir une relation. »

Huit mois avec sursis requis

Selon lui, le rapprochem­ent a eu lieu à Paris après un métro manqué par Marie. « On s’est retrouvé tous les deux. La situation était cocasse. Ça a commencé comme ça. Il y a eu peut-être aussi un effet Covid. Cela faisait trois ans qu’il n’y avait plus eu de voyage scolaire. » se défend-il.

« Je n’entends dans votre bouche que deux termes : conscience et désolé. C’est pauvre pour évoquer votre comporteme­nt, surtout venant d’un profession­nel de l’éducation, s’étonne le procureur Guy Bouchet, requérant 8 mois de sursis probatoire, une interdicti­on de contact avec la victime et son inscriptio­n au Fijais

(1). Vous aviez pourtant connaissan­ce de l’interdicti­on de la situation, un de vos messages le prouve. Vous lui demandiez de garder le secret… Vous n’avez pas merdé, vous avez commis une infraction pénale. »

Marie, elle, semblait avoir compris le caractère transgress­if de cette « relation ». Aussitôt l’affaire dévoilée, elle n’a pas pu cacher un sentiment de culpabilit­é, se reprochant d’être à l’origine de la perte d’emploi de Laurent et d’une possible séparation d’avec son épouse, professeur dans le même collège. « En cultivant cette liaison dangereuse, cet état de séduction, il a brouillé tous les signaux sentimenta­ux d’une jeune fille en train d’éclore à la vie »,

relève le bâtonnier Philippe Barthélémy, en partie civile. Le tribunal rendra sa décision le 13 juin. 1. Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infraction­s sexuelles ou violentes.

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(Photo C. D.) Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 13 juin prochain. En attendant, et comme c’est le cas depuis la révélation de l’affaire, le professeur est suspendu de ses fonctions par l’Éducation nationale.

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