Var-Matin (Grand Toulon)

L’inflation fait grimper Haut la note des festivals prix des billets

Après avoir subi de plein fouet la crise Covid, les festivals du Var et des Alpes-Maritimes doivent faire face à l’inflation galopante. Cachets, matériel, énergie : comment appréhende­nt-ils ce défi ?

- Dossier : MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Radicale. L’inflation n’épargne pas le spectacle vivant. Après avoir pris de plein fouet la crise Covid, le spectacle vivant doit mener sa barque dans une nouvelle tempête. L’offre et la demande ont eu raison des coûts de matériel qui ont, en moyenne, grimpé de 30 %. Conséquent. La nourriture, l’essence, l’énergie… les prix se sont envolés comme l’indique Beligh Guezah de Couleurs Urbaines à La Seyne-sur-Mer : « Rien que notre assurance intempérie annulation a pris un coût faramineux. Avant elle était de l’ordre de 2 000 euros, maintenant elle a grimpé à 6 000. Sur un budget total de 250 000 euros, c’est déjà quelque chose. Alors imaginez pour les autres ! »

« L’industrie du rock-métal s’est grippée »

L’effet kiss cool de l’après pandémie déferle. Tous le disent : lors de la réouvertur­e des festivals, les artistes se sont précipités sur scène. « Nous avons eu de belles surprises, comme Les Ogres de Barback qui ont décidé de baisser leur cachet chez nous en signe de solidarité », lance, reconnaiss­ant, Stéphane Poirrier du Festival de Néoules.

Mais la logique économique change les règles. Et oblige les équipes des rendez-vous culturels à revoir leur copie.

« L’industrie du rock-métal s’est grippée », affirme Sébastien Hamard qui ne propose plus cette esthétique cette année pour les Nuits Carrées d’Antibes : « Il y a quelques années, la bulle financière ne s’était pas encore créée. Désormais le marché est conditionn­é. » La concurrenc­e des grands rendez-vous a fait grimper les prix. Alors, c’est bien simple : «On ne peut plus suivre. »

Des cachets qui ont doublé

Un passage à la vitesse supérieure qui vient confirmer ce que les acteurs redoutaien­t. « Ce n’est pas nouveau en soi. Il faut rappeler qu’avec le streaming et donc la chute des ventes physiques de disques, les artistes ont dû se reporter sur le live. Le côté positif c’est que cela donne des shows de plus en plus élaborés. Mais cela coûte cher et ça s’est accéléré depuis la pandémie », résume le programmat­eur du Pointu festival, Vincent Lechat. « Pour certaines stars américaine­s, les cachets ont augmenté de 50 %, voire 100 % », indique Philippe Baute de Jazz à Juan dont l’enveloppe dédiée reste « similaire aux années précédente­s » : un million d’euros « autofinanc­és par la billetteri­e ». Pas facile de boucler une programmat­ion dans ces conditions. « Les agents anglais et américains voulaient être sûrs de ne pas tourner à perte, il faut aussi prendre en considérat­ion l’effet du Brexit. C’est une économie à flux tendu », ajoute le membre de l’équipe du Pointu festival qui a pu augmenter son budget artistes malgré tout. « Cette année, très peu de formations dites « middle » qui peuvent être concernés par des jauges à 2 500, 5 000 personnes tournent. C’était aussi un défi supplément­aire », relève Sébastien Hamard.

« Dire non à la surenchère »

« Heureuseme­nt, dans ce que l’on propose, les tarifs restent encore honnêtes », concède Beligh Guezah de Couleurs Urbaines qui mise sur le reggae, la dub mais aussi le rap : « Notre force c’est aussi de proposer des artistes qui vont exploser très rapidement. En 2014, nous avions Bigflo & Oli, à l’époque on était en contact avec leur maman pour organiser leur venue. »

Dès lors une grande question se pose : ne verrat-on plus de grandes têtes d’affiche internatio­nales sur nos scènes locales des festivals ? «Ilyades pistes de réflexion pour répondre à cela. Si au niveau européen, il était possible de faire front commun et de dire non à cette surenchère cela pourrait peser », soutient Philippe Baute.

Mais ce secteur concurrent­iel ne donne clairement pas dans l’unanimité pour le moment : «On doit aussi envisager de faire évoluer la méthode de travail, en faisant en sorte de ne pas assumer directemen­t ce coût et ce risque en demandant qu’une production assure cela par exemple. »

Pas de super-pouvoir à l’affiche : les billetteri­es ne peuvent rester hermétique­s à l’inflation. Comme dans tous les secteurs, le public doit accepter d’être touché par le phénomène. Ce qui ne le ferait pas forcément reculer sur certains rendez-vous. « On constate cette année un carton plein des Zénith. Et pourtant les places sont chères, indique Sébastien Hamard, à la tête des Nuits Carrées. Cela veut dire que les spectateur­s sont prêts à faire cette démarche pour aller voir la tête d’affiche qu’ils souhaitent. »

Les assoiffés trinquent : la buvette augmente ses prix

Mais qu’en est-il pour les festivals de la Côte d’Azur, notamment pour ceux qui proposent une part de découverte dans leur programmat­ion ? Du côté du Pointu Festival, la bascule s’est réalisée l’an dernier. « Avant, nous étions un événement entièremen­t gratuit. Face à l’augmentati­on des coûts déjà présente en 2022, la municipali­té de Six-Fours a fait le choix de rendre l’événement payant », rappelle Vincent Lechat, directeur de programmat­ion, qui n’a pas vu l’île du Gaou être désertée après cette décision : « En gratuit on atteignait les 17 000 spectateur­s au cumul, l’an passé 12 000 ont fait le déplacemen­t. » La tendance pour l’édition 2023 ? « Au 17e jour de mise en vente nous sommes à 65 % des recettes de l’an dernier. » Plutôt engageant !

Augmenter le prix des billets ? « Nous l’avons déjà fait l’été dernier avec une hausse de deux, trois euros », indique Stéphane Poirrier, de l’équipe 100 % bénévole du Festival de Néoules : « Alors cette fois-ci, c’est la bière qui est ciblée. » Quelques centimes

supplément­aires pour étancher sa soif de houblon bio. Une manière de garantir un équilibre. Que ce soit sur les terres varoises ou azuréennes, la tendance est à la hausse. Comme aux Plages électroniq­ues de Cannes qui font évoluer le prix moyen de leur entrée de 46 à 54 euros, avec la promesse d’offrir plus.

Des billets plus chers pour élargir la tarificati­on

D’autres, comme Couleurs urbaines à La Seyne-sur-Mer font le pari de maintenir la même politique tarifaire qu’avant en témoigne son fondateur, Beligh Guezah : « Cela fait partie de l’ADN du festival. On prend le parti de ne pas répercuter la hausse sur le public avec notre jauge qui passe de 3 000 à 5 000 personnes puisque nous changeons de lieu pour revenir sur l’esplanade Marine. »

Le va-t-il flamber ?

Pour sa 62e édition, Jazz à Juan ne se départ pas de son carré d’or – des places au tarif le plus élevé pour être plus proche de la scène (110 euros pour la soirée Nile Rodgers & CHIC) –. Une politique que défend Philippe Baute, directeur de l’office de tourisme, organisate­ur de l’événement : « C’est aussi grâce à cette tarificati­on que nous pouvons proposer des places à tarif réduit aux étudiants et aux plus jeunes lors du même concert. » Le tarif réduit est de 25 euros pour ce fameux 18 juillet : « Au global, nous sommes sur une moyenne de 70, 75 euros par billet. Il y a une limite à ne pas franchir et nous en sommes conscients. »

Enfin, il y a ceux qui font marche arrière, comme le festival Reconnexio­n Ramatuelle (11,12, 13 juillet) qui a décidé la gratuité des concerts au théâtre de verdure cette année !

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(Photo doc V.-m) Les festivals (comme ici le Pointu à Six-Fours), veulent tenir bon la barre pour être encore présents l’année prochaine.
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Les billets des festivals ont déjà augmenté l’an passé pour certains.

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