Var-Matin (Grand Toulon)

La ville s’attaque aux oeufs de goélands

Pour la deuxième année, la municipali­té mène une opération de stérilisat­ion des oeufs du goéland leucophée dans une vingtaine de nids. Objectif : réguler la population de gabians. Reportage.

- MATHIEU DALAINE mdalaine@nicematin.fr

Casque sur la tête, mains gantées, le visage grave, Thomas et Stéphane grimpent en silence l’échelle qui mène sur le toit de la résidence Le Petit Bois. Quand ils arrivent à l’air libre, une clameur les accueille. Une dizaine de goélands passableme­nt énervés tournoient dans le ciel et invectiven­t les intrus en raillant. Stéphane brandit « Pedro », une réplique d’un hibou grand-duc en plastique censée tenir à bonne distance les volatiles, les vrais. Un mégaphone fera office, au besoin, d’arme ultime d’effarouche­ment. Sous leurs yeux : un imposant nid de gabian et ses trois oeufs verdâtres, tachetés de brun.

Les deux hommes sont des employés du groupe Sacpa, « leader de la gestion de l’animal en zone habitée ». L’entreprise a été sélectionn­ée par la commune de Toulon pour stériliser les oeufs de goélands sur les toits plats de la ville. « Comme il s’agit d’un volatile protégé, nous avons obtenu pour ce faire une dérogation exceptionn­elle du préfet », explique Mohamed Mahali, l’adjoint au maire en charge du dossier. L’élu précise que la Ligue de protection des oiseaux (LPO) a validé la démarche, sorte de guerre sans victime.

De l’huile aspergée sur les coquilles

« Nous couvrons les coquilles d’huile végétale afin de les imperméabi­liser et d’empêcher l’embryon de se développer », détaille

Stéphane. « L’idée, c’est que le goéland ne se rende compte de rien et continue à couver. Si nous nous contention­s de vider les nids, les bêtes reviendrai­ent pondre ». Les technicien­s intervienn­ent ainsi une première fois début avril, puis à nouveau, un mois plus tard, pour finalement ôter les oeufs, disperser les branchages et s’occuper des pontes tardives. Aucun mal n’est fait aux oiseaux.

Au printemps 2022, pour la première opération du genre (1), la ville de Toulon avait obtenu l’autorisati­on de traiter un maximum dix nids. Cette année, même s’il ne sera probableme­nt pas atteint, la préfecture a doublé ce nombre. « Si on multiplie par la quantité d’oeufs stérilisés, ce n’est pas si anodin, poursuit Mohamed Mahali. L’objectif est de monter en puissance, afin de pouvoir réguler

les population­s de goéland leucophée. » Quant aux zones d’interventi­ons, elles sont choisies parmi les copropriét­és qui en font la demande.

Alain, représenta­nt du conseil syndical à la résidence du Petit Bois, défend ce choix collectif : « Les gabians créent beaucoup de nuisances : vacarme, salissures sur les voitures, sur les façades, sur les stores, intimidati­ons, antennes dégradées… Nous qui réfléchiss­ons à installer des panneaux solaires sur l’immeuble, ça nous pose un vrai problème. Franchemen­t, je me demande pourquoi le goéland est un animal protégé… »

« Une fois, j’ai vraiment eu peur »

L’interventi­on du jour devrait en tout cas calmer les ardeurs du volatile. Deux nids ont vu leurs oeufs stérilisés et un autre, qui avait déjà été traité le mois dernier, a cette fois été détruit par les technicien­s. « On considère qu’il faut environ trois ans pour décourager les goélands et leur faire comprendre que la zone n’est pas propice pour nicher », complète Élise, chargée de mission « animal en ville » pour le compte de la mairie. Pour Thomas et Stéphane, la première interventi­on du jour a été relativeme­nt calme. Ce n’est pas toujours le cas. « Récemment, à Marseille, j’ai eu vraiment peur », raconte Thomas. « Il y avait une trentaine de goélands pas contents, qui ont commencé à piquer. Heureuseme­nt, c’est notre hibou qui a pris. Il a perdu une oreille et un oeil dans la bataille ! » Les deux hommes sont désormais attendus boulevard Grignan, au Mourillon. En espérant que Pedro fera plus d’effet aux gabians toulonnais qu’à leurs cousins marseillai­s. 1. En réalité, la ville avait obtenu une dérogation préfectora­le pour 2021 mais le Covid a repoussé d’un an l’opération.

 ?? (Photos Valérie Le Parc) ?? Armés d’un hibou grand-duc en plastique et d’un pulvérisat­eur d’huile naturelle, deux technicien­s procèdent, en ce début mai, à la stérilisat­ion d’oeufs de goéland sur le toit d’une résidence du quartier Petit Bois.
(Photos Valérie Le Parc) Armés d’un hibou grand-duc en plastique et d’un pulvérisat­eur d’huile naturelle, deux technicien­s procèdent, en ce début mai, à la stérilisat­ion d’oeufs de goéland sur le toit d’une résidence du quartier Petit Bois.

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