Var-Matin (Grand Toulon)

« Une expérience de dingue »

Treize ans après son départ de Toulon, Sébastien Fauqué a encore le sourire aux lèvres en parlant du RCT. Passé par La Rochelle, le demi d’ouverture s’est confié avant le choc de ce soir.

- PROPOS RECUEILLIS PAR FLORIAN DALMASSO

Débarqué de Montauban à l’aube de la saison 2008-2009, Sébastien Fauqué est resté un an et demi à Toulon. À l’époque, le RCT vient de remonter en Top 14. Le demi d’ouverture, quant à lui, arrive avec l’étiquette du meilleur réalisateu­r de Pro D2. Treize ans après son départ de la rade, Sébastien Fauqué a aujourd’hui posé ses bagages à Anglet, sur la côte basque, à quelques minutes de Bayonne. À désormais 46 ans, le natif de Tarbes a raccroché les crampons il y a seulement deux ans, après sept saisons passées sous le maillot d’Anglet, chez les amateurs. Il a entre temps ouvert son food truck, Le Fauquet’s. Brillant jusqu’au nom. Avant le choc de ce soir entre Toulon et La Rochelle au Vélodrome, Sébastien Fauqué a accepté de se confier, avec le naturel qui le caractéris­e.

Vous avez quitté Toulon en 2010, arrêté votre carrière pro en 2013… Que devient Sébastien Fauqué, dix ans plus tard ?

Après le rugby, il faut penser à la reconversi­on. Ça fait maintenant cinq ans que j’habite à Anglet, à côté de la cité universita­ire. J’ai monté un food-truck sur le parking. C’est de la restaurati­on rapide. Des burgers, des tacos, des paninis, un peu tout ce qu’aiment les jeunes (rires). Mais je suis en train d’évoluer. Je vais le garder pour des événements extérieurs et ouvrir une salle de restaurati­on de 60 personnes. Mon père est cuisinier. Alors j’ai toujours un peu baigné dedans. En parallèle, je continue d’entraîner les seniors d’Anglet en Nationale 2. On s’est d’ailleurs maintenu au terme d’une belle saison.

Comment s’est faite votre arrivée à Toulon ? À l’époque, vous débarquiez avec l’étiquette d’un joueur confirmé de Pro D2…

J’avais encore deux ans de contrat avec Montauban. Ça faisait six ans que j’y étais, je sentais que ça commençait un peu à s’essouffler quand Mourad Boudjellal a contacté mon agent. Il cherchait un « 10 » et le challenge m’a intéressé. Toulon a toujours été un club qui m’a attiré. Pour la petite histoire, j’avais déjà été contacté avant d’aller à Montauban mais ça ne s’était pas fait. Là, j’ai finalement franchi le pas !

Et de ce que l’on sait, tout s’est fait très vite…

Mon arrivée s’est faite en une semaine (rires). Ce n’était pas du tout prévu. C’était l’intersaiso­n, j’étais parti en vacances et normalemen­t je devais reprendre

la prépa avec Montauban. En plus, avec ma femme, on allait se marier ! En une semaine, j’ai quitté Montauban, je me suis marié et j’ai rejoint Toulon. Avec une grosse fête le samedi, la même le dimanche et une séance de physique le mardi dans le Var. C’était beaucoup de changement (rires).

Passer de Montauban à la rade, effectivem­ent, ça doit changer, non ?

C’était un grand saut, je l’avoue. Montauban était un club très famille où tout le monde se connaissai­t, encore un peu amateur même si c’était pro… C’était quasiment l’inverse de Toulon, un club très pro avec beaucoup d’étrangers, des entraîneme­nts dirigés par Tana Umaga en anglais traduits en français… Ça a été compliqué au départ.

Comment s’est passée votre intégratio­n ?

Au début, on ne va pas se mentir, c’était très compliqué. On ne se connaissai­t pas. Forcément, c’est dur de s’intégrer et de s’adapter. On était trois « 10 » (avec Ramiro Pez et Tusi Pisi), on tournait

souvent. On n’avait ni continuité ni confiance. Je passais de Montauban où j’étais le meilleur réalisateu­r de Pro D2, où tout me réussissai­t, à Toulon où j’ai perdu tous mes repères. Heureuseme­nt, j’ai commencé à me lier d’amitié avec Mafi Kefu et Matt Henjak. Ils m’ont accepté dans leur groupe et à partir de là, ça a été beaucoup plus simple. Sur le terrain, on avait des stars. Henjak, Mignoni

– même si j’avais déjà joué avec lui à Dax –, Umaga qui avait repris, Kefu, Collins… Ce sont des mecs que je regardais à la télé ! Me retrouver au milieu, en étant l’un des seuls Français, c’était particulie­r. J’ai quelques bonnes anecdotes sur eux !

S’il fallait en garder une seule ?

Après un match gagné contre Toulouse au Vélodrome justement, on avait un peu fait la fête. On avait bu un coup sur Marseille, avant de sortir sur Toulon. Je suis rentré un peu plus tôt que les autres et deux heures après, j’avais le téléphone qui sonnait. Sur le coup, je ne réponds pas. C’était Mafi Kefu. Et au final, 30 secondes plus tard, il sonnait à la porte de la maison et à 6 h du matin je me suis retrouvé à manger du pâté, des rillettes de la grand-mère de ma femme et boire du rouge avec Mafi Kefu et Tana

Umaga. Je disais à ma femme “Tu te rends compte ? Il y a Tana Umaga en train de manger du pâté et boire du rouge à 6 h du matin sur notre terrasse, là.” C’est quelque chose que je n’oublierai jamais.

Après votre première année, vous voyez débarquer à votre poste un certain Jonny Wilkinson. Quoi qu’on en dise, ça doit faire bizarre, non ?

Carrément. C’était une référence au poste d’ouvreur. Même si quand il est arrivé, il avait pas mal de soucis physiques après la Coupe du monde et qu’on ne savait pas trop comment il allait récupérer… C’était un joueur majeur du rugby. Pour moi, c’était quand même énorme de pouvoir évoluer à ses côtés. Même si je suis parti au cours de ma deuxième année à Toulon, en janvier, de ce que j’ai pu échanger avec lui, c’était vraiment positif.

Le voyez-vous, au moins dans un premier temps, comme un concurrent ?

Forcément au départ, oui. Mais je me suis aussi dit que quoi qu’il en soit, le rugby ne se joue pas qu’à 15 mais à 30 ou 35. Les matches sont de plus en plus durs et nombreux et tout le monde a du temps de jeu. Mais c’est vrai que de le voir arriver dans ton club, c’est particulie­r. Il avait une autre culture, une autre façon de s’entraîner, de travailler… J’ai appris beaucoup de choses à ses côtés. Tout était très pro chez lui.

Vous partez finalement en cours de saison à Bayonne, puis l’année suivante à La Rochelle. C’est dans la Ville blanche que vous terminez d’ailleurs votre carrière. Ce club a-t-il gardé une saveur particuliè­re pour vous ?

J’ai fini là-bas. Je me suis très bien adapté à ce club, à l’époque en pleine croissance. Tout ce qui arrive à La Rochelle aujourd’hui, au président Merlin, c’est vraiment extraordin­aire. Et c’est largement mérité. Ils ont bâti les choses avec patience et c’est beau. Il faut le souligner.

Si on vous dit que le 18 avril 2009, à la minute, Sébastien Fauqué est, avec une pénalité passée, le premier scoreur du RCT au Vélodrome, le saviezvous ?

6e (Il rigole) Non, franchemen­t je ne le savais pas. Même si récemment, j’ai revu des résumés avec mon fils de 12 ans, qui joue au rugby et est demandeur, donc c’était marrant. Ça fait toujours plaisir de le savoir, en tout cas.

Quand on parle de vous, difficile de ne pas aborder votre célèbre passe inversée...

C’est ma marque de fabrique ! (rires) J’ai pris cette habitude depuis tout gosse. Je ne sais pas pourquoi mais ça me semblait plus facile et naturel. C’est devenu, en grandissan­t, totalement normal pour moi.

Des entraîneur­s ont-ils, chez les pros, essayé de vous faire changer cette technique de passe ?

Il y en a un qui a essayé, c’est Laurent Labit à Montauban. Il a tenté trois ou quatre jours, après il m’a dit “Franchemen­t ce n’est pas la peine” (rires). C’était vraiment ancré en moi et ça faisait partie de mon jeu. J’ai toujours cette passe d’ailleurs (rires). Même maintenant, je croise encore des personnes qui me disent “Ah mais c’est Fauqué, alors la passe inversée ?”. C’est toujours drôle.

Treize ans après votre départ, que retenez-vous de votre passage Toulon ?

Beaucoup de choses. Il y a eu des hauts, des bas, mais franchemen­t c’était une expérience de dingue ! J’ai pu jouer avec des mecs de classe mondiale. Me retrouver là, au milieu, moi le gosse qui venait de très bas, du niveau amateur. Le club de Toulon m’a toujours fait rêver. Les génération­s des Champ, Melville, Louvet, pfff… C’était incroyable. Ça me régalait ! Et je me suis régalé à Toulon.

‘‘ Tu te rends compte ? Il y a Tana Umaga en train de manger du pâté et boire du rouge à 6 h du matin sur notre terrasse, là”

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 ?? (Photos P. Bl. et DR) ?? Sébastien Fauqué aura passé un an et demi sur la rade, entre 2008 et 2010. Les crampons désormais raccrochés, le demi d’ouverture a ouvert un food truck à Anglet.
(Photos P. Bl. et DR) Sébastien Fauqué aura passé un an et demi sur la rade, entre 2008 et 2010. Les crampons désormais raccrochés, le demi d’ouverture a ouvert un food truck à Anglet.

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