« La fonte des glaces est un drame pour notre planète »
L’explorateur Mike Horn s’est lancé, depuis Monaco, pour 4 ans d’expédition autour du monde à bord de son voilier. Objectif : concrétiser une dizaine de projets environnementaux.
Mike Horn est partout, nulle part, ailleurs. L’homme aux 27 tours du monde n’est pas de ceux avec qui on organise un rendez-vous. On le croise, on discute et puis il s’en va. Avec son voilier de 35 mètres, le Pangaea X, il a fait escale à La Ciotat puis il s’est installé au Yacht-Club de Monaco. Il était lundi au Maybourne Riviera de Roquebrune-Cap-Martin pour annoncer en avant-première le lancement de sa plateforme de projets environnementaux et sa prochaine expédition baptisée What’s left (traduire “ce qui reste”, Ndlr). Un périple de 4 ans à travers les mers et les terres de la planète. Avec quatre coéquipiers, Mike Horn a largué les amarres de Monaco, ce mercredi. Direction le Groenland.
Avec lui, la vie est une vraie aventure… Et ils sont des millions à suivre l’explorateur sur les réseaux sociaux. Principalement des 16/25 ans. Les plus velléitaires proposent des idées via la plateforme Pangaea X pour espérer être sélectionnés et mettre en place, avec Mike Horn, des solutions durables pour les mers et océans.
Pourquoi Pangaea X ?
C’est le nom du programme environnemental et du bateau tiré du mot « pangée », c’est-àdire l’époque où, il y a
250 millions d’années, la Terre n’était constituée que d’un seul supercontinent. Il s’agit d’évoquer le melting-pot que l’on crée sur une seule embarcation où l’on convie des jeunes de chaque continent.
Des jeunes qui montent avec vous leur projet environnemental ?
Nous avons créé une plateforme d’appel à projets pour sauvegarder la mer. Sur
300 dossiers, un jury en sélectionne une dizaine au final. Puis on a monté un MBA à l’École polytechnique fédérale de Lausanne où les jeunes viennent les week-ends. On leur apprend à faire un business plan pour rendre leur idée réalisable. Ce n’est qu’ensuite qu’ils montent sur le bateau et concrétisent leur
projet. Nous devenons alors une plateforme d’exécution.
Le Groenland est la première étape de votre expédition.
Oui. Pour cette région du monde, on va mettre en place des filets de pêche biodégradables. Ça intéresse les Inuits qui chassent encore les baleines. Ensuite, durant 4 ans, on va concrétiser d’autres idées en fonction de l’endroit où nous nous trouverons, sur le bateau ou en parallèle à l’expédition.
Pourquoi l’expédition s’appelle ?
« What’s left »
Parce qu’il s’agit de constater ce
qu’il reste encore sur notre planète. Au Groenland où je suis allé douze ou treize fois, je vais retourner exactement là où j’étais il y a 30 ans. Et je vais comparer les sites grâce à des photos et des films pris à l’époque. C’est ce que nous allons faire partout. En 2008, quand j’étais pour la première fois au pôle Nord, la glace faisait 2,58 m d’épaisseur.
En 2019, j’ai fait des mesures exactement au même endroit : 8 cm ! Les gens ne savent pas que la glace qui était dure et stable
dérive dorénavant dans l’Atlantique Nord.
Et vous reliez ce phénomène au réchauffement climatique ?
La mer est en train de chauffer. Sa température a augmenté de 1,5°. La glace fond par sa couche immergée beaucoup plus vite qu’auparavant. En 2019, on a même eu un jour de pluie au pôle Nord. Je n’avais jamais vu ça de ma vie ! La fonte des glaces est un drame pour notre planète. Les pôles refroidissent nos climats grâce aux vents. Mais quand il n’y aura plus de pôle, comment notre Terre va-t-elle se refroidir ?
Vous constatez d’autres dérèglements ailleurs ?
Le désert de Gobi s’agrandit. Aux États-Unis, on constate de plus en plus d’incendies. Notre planète a besoin de respirer. C’est notre mère. Je ne suis pas un écolo militant. Mais je crois aux programmes d’action des jeunes.
Où irez-vous après le Groenland ?
Nous irons en Amazonie. Ça me rappellera l’année 1999 où j’ai traversé seul l’Amazonie durant six mois de part en part. Je crois que je suis le seul à avoir fait 4 000 kilomètres et à avoir échappé à toutes les saloperies
Notre Terre a besoin de respirer”
Mettre la nature en musique”
qui veulent vous bouffer. Les grenouilles, les bactéries, les vers grouillent et c’est presque impossible d’en sortir vivant. Aujourd’hui, à 56 ans, je ne serais plus capable de refaire cela.
Ensuite ?
La Patagonie, l’Antarctique que j’ai traversé en 2016 et 2017 en solitaire sans assistance et sans ravitaillement sur 5 100 km, la Nouvelle-Zélande et l’Australie pour poursuivre nos projets sur la barrière de corail, en Asie, au nord du Canada et enfin en Alaska. On reste six mois dans chaque endroit.
Comment faites-vous pour sensibiliser le public ?
Par exemple au Groenland, des micros hypersensibles vont enregistrer les flocons de neige qui tombent, la glace qui se forme et qui fond, l’iceberg qui disparaît dans l’eau. Ce sont des sons que l’on ne peut même pas imaginer. Et Luciano, un des plus grands DJ du monde, va venir avec nous et composer à partir de ces sons. Mettre la nature en musique, avec une star mondiale des platines, c’est la possibilité de toucher le plus grand nombre de personnes.
Ce sont ces mêmes jeunes qui sont passionnés de séries et de documentaires sur les plateformes…
On va également faire une série de sept documentaires. C’est en négociation sur Netflix. Aujourd’hui, beaucoup d’argent est mis pour constater mais il n’y a pas suffisamment de programmes d’action. L’idée est de montrer la réalité et de proposer des solutions.