Haro sur les VIP gaspilleurs d’eau
En colère, Emmanuel Delmotte, le maire de Châteauneuf-Grasse , se sent impuissant. Alors que la plupart des résidents de sa commune ont respecté les arrêtés préfectoraux dictés par la sécheresse à l’été 2022, il n’en est pas de même de certains « VIP » comme il les nomme.
De hautes personnalités scandinaves, ainsi que Silvio Berlusconi, qui ont établi résidence secondaire sur le territoire de ce village perché à l’ouest des Alpes-Maritimes, souvent sur plus de 20 hectares de terrain. Avec maison, piscine et parc paysager à arroser abondamment, évidemment.
« Ces cinq bouffent tous nos efforts ! »
D’après les chiffres qui ont été communiqués au maire en octobre, ces cinq-là épuiseraient encore plus de 2 000 m3 d’eau par semaine, « alors que la moyenne nationale s’établit à 120 m3 par an pour un couple, et qu’on est déjà à 360 m3 à Châteauneuf en raison du nombre élevé de résidences avec piscine, souligne Emmanuel Delmotte. Au niveau communal, on a tous fait des efforts, nos fontaines ont été mises à sec et on a stoppé l’arrosage du potager municipal en journée, en se relayant entre élus la nuit pour que nos enfants aient encore des légumes à la cantine. Mais ces gros-là bouffent tous ces efforts ! »
Le PV ? Une goutte d’eau !
Globalement, Châteauneuf a réussi à réduire sa consommation estivale de 10 % à 15 %, mais n’a pas atteint l’objectif assigné des 30 % pour compenser la pénurie de pluie. D’autant plus rageant que d’importants investissements ont été réalisés ces huit dernières années pour rénover et moderniser le réseau d’eau, avec à la clé une économie de 300 000 à 500 000 m3 d’eau consommée sur la commune. D’où l’ire du maire contre ses fameux VIP, lui qui aimerait (voeu pieux ?) voir leur mentalité évoluer.
« Je n’ai rien contre ces genslà, qui sont même des donateurs discrets lorsqu’il s’agit de rénover la cloche d’une église ou de financer un festival de musique. Mais aujourd’hui, les gens sont exaspérés, et certains comportements ne sont plus supportables. Ce qui vaut pour ma commune vaut sans doute pour certaines propriétés du cap d’Antibes ou de Super Cannes...»
Pour autant, Emmanuel Delmotte a renoncé à user de son pouvoir de police de l’eau. « Infliger un PV de 1 500 euros à ces gens-là, ça ne rime à rien, même si on a toujours l’impression que la sanction ne vaut que pour les gens ordinaires...»
À défaut d’amende, l’édile joue la carte de la diplomatie, via le délégataire Suez. « Je l’ai chargé de contacter ces cinq propriétaires pour faire un audit à domicile et leur proposer des solutions techniques qui permettent de réduire leur consommation d’eau. Trois sur cinq se seraient montrés réceptifs. »
Comportement « déplacé »
Et Silvio Berlusconi, dont la fille séjournerait régulièrement dans le domaine familial ? « Je ne l’ai jamais rencontré, sourit d’un air entendu Emmanuel Delmotte. Il a déjà eu besoin des services de la mairie pour un permis, mais il n’est jamais venu en personne. »
Pour cet élu « sans étiquette », ancien ingénieur agronome, ce comportement VIP « déplacé » n’est que la partie émergente d’une profonde crise climatique et sociale qui doit obliger citoyen et pouvoirs publics à repenser leur façon de consommer l’eau.