Var-Matin (Grand Toulon)

Thibault Garcia, du Mourillon à la sélection thaïlandai­se

De son refus catégoriqu­e de jouer au rugby à ses débuts avec la réserve du Mourillon, pour finalement devenir... internatio­nal thaïlandai­s. Voici le parcours romanesque de Thibault Garcia.

- PIERRICK ILIC-RUFFINATTI

Si de nombreux joueurs tombent dans la marmite, Thibault Garcia, lui, a plutôt joué à chat avec le ballon ovale. Et c’est peu dire que ses premiers souvenirs ne remontent pas aux terrains de rugby…

Basket, chasse sousmarine et voyages…

Né en Martinique, le môme rejoint Paris à deux ans, dans la valise de ses parents. Il quitte finalement la capitale pour la rade à sept ans. « Mes parents se sont séparés, et ma mère, dont le papa était amiral dans la marine, est revenue à ses origines : Toulon. » Des bancs du collège Maurice-Ravel à la Mitre, le minot est donc un « vrai Toulonnais ». Sauf qu’à l’époque où tous ses amis ne parlent que de rugby, Thibault Garcia, lui, ne cède pas. Pire, il n’écoute même pas les conseils du voisin de sa grand-mère, un certain… Jérôme Gallion. «À7-8 ans, j’étais déjà grand, et il me disait “le rugby, ça ne te dit rien ?” Mais moi, je ne voulais jouer qu’au basket. » Ses passions à lui, ce sont les shoots à trois points, les voyages (il a notamment vécu au Maroc, avec son papa, lors de son année de quatrième) ou encore la chasse sous-marine. Mais le rugby, non. Ni l’école d’ailleurs. Sans réelle idée après le bac, Thibault Garcia tente d’intégrer une école de design puis la Marine… En vain. C’est alors que sa maman lui glisse à l’oreille une idée qui va changer sa vie.

Baby-sitter de l’ouvreur des U10 des Wasps

« Ma mère m’a suggéré de partir à Londres. J’avais 19 ans, je tournais en rond à Toulon, alors j’ai foncé. »

Et encore une fois, le rugby se pose au milieu de son destin... sans qu’il n’y prête attention !

« À Londres, je ne connaissai­s qu’un ami de mon beau-père. Il m’a alors proposé de garder son fils de 9 ans qui était ouvreur chez les U10 des Wasps ! À cet âge, ça ne veut pas dire grand-chose, mais il ne pensait qu’au rugby. On faisait des passes dans le jardin, on regardait des highlights… Moi ça me gonflait un peu, mais c’était cool pour lui. »

Et c’est finalement au moment de rentrer en France, un an plus tard, que Thibault Garcia décide de franchir le Rubicon. « Je suis rentré pour faire un BTS en alternance dans une école à La Garde. Je bossais dans une boîte qui vendait des emballages viticoles, dont le patron était le capitaine de l’équipe des vétérans de Brignoles. Je sentais que ça me tournait de plus en plus autour (rires). Et un jour, lors d’un repas, un VRP m’a demandé ce que j’aimais. “Le tennis, mais surtout pas le rugby !”. Là, il m’a répondu “ne dis jamais ça lors d’un entretien ou quand tu es devant un viticulteu­r dans la région, on va te claquer la porte au nez” .» Comme on ne peut pas échapper indéfinime­nt à son destin, Thibault Garcia décide alors (enfin) de démarrer le rugby… à 21 ans. « En février 2013, j’ai envoyé un message Facebook à l’US Mourillon, puis j’ai fait mon premier entraîneme­nt. » Et là, le coup de coeur. « Je deviens immédiatem­ent raide dingue de ce sport. Bon, au début je ne comprenais rien (rires). Finalement, je fais mes grands débuts avec la réserve contre Saint-Laurent-du-Var. Sauf que dès la première minute, leur numéro 8 charge avec le bras en avant. Moi, je ne me baisse pas, je le prends en plein nez, et je tombe KO sur le premier impact (rires). »

Non retenu à VII...

La deuxième saison du néo deuxième ligne est un peu plus prolifique, même s’il ne joue qu’avec la réserve. « Je m’amusais, sans comprendre ce qu’il se passait sur le terrain, c’était génial. »

Les études le mènent finalement à Rennes – où il s’inscrit au sein de l’équipe universita­ire – puis à Bangkok, où il débarque à 24 ans (en 2015). Directemen­t, il rejoint les Southerner­s, l’un des deux clubs d’expatriés de Bangkok.

« Mes trois premières années, c’est le rêve, je m’éclate. Le niveau ? Je dirais que ça correspond à un bon niveau Honneur, voire petit niveau de Fédérale 3 », raconte celui qui, dans le civil, occupe désormais le rôle de commercial­e pour la marque Agoda – « la branche asiatique de “booking holdings”, le leader mondial du voyage en ligne. » Sauf qu’un jour, le Toulonnais qui fait 1m91 pour «105à110kg» apprend que l’équipe nationale à VII fait une détection. « Je veux alors tenter ma chance. Au départ, on est 70 joueurs. Ça ne se passe pas mal, sauf qu’à la fin ils nous font faire un test physique, et ils éliminent tous les mecs hors temps. J’en étais. »

... internatio­nal à XV !

Sauf que l’idée a germé dans sa tête. Et quand la sélection à XV organise un camp, deux mois plus tard, le Toulonnais retente sa chance. « C’était une détection sur un mois. Trois fois par semaine, et ils éliminaien­t les mecs petit à petit.

Je passais un jour, puis l’autre, puis l’autre… Les coachs m’ont apprécié, ont trouvé que je m’investissa­is et j’ai finalement été retenu dans le groupe. » En revanche, même si le règlement World rugby lui permet de prétendre à la sélection – puisqu’il est sur le sol depuis plus de trois ans – son intégratio­n est plus difficile auprès du groupe.

« Les joueurs Thaï se plaignaien­t de la communicat­ion. En même temps, on ne parlait qu’en thaïlandai­s, que je ne maîtrisais pas… Il a fallu s’accrocher. J’ai dû deviner un peu au début. » Mais surtout, bien conscient qu’il n’a que peu d’années de pratique, Thibault Garcia fait en sorte de ne pas se mettre à la faute. « Nous avions quatre mois d’entraîneme­nt avant le premier match, alors j’ai bossé dur. On faisait à chaque fois une heure et demie de cardio puis une heure et demie de mise en place. Dans le groupe, nous étions deux “étrangers”, avec un flanker sud-africain. On ne disait jamais un mot plus haut que l’autre. Si pour nous bizuter on nous demandait de refaire quatre tours de terrain en sprint, on le faisait. On a finalement été retenus dans les 30. »

Trois capes, et maintenant ?

Le rêve devient réalité. Le môme du Mourillon devient officielle­ment internatio­nal à 28 ans, à la force d’un match amical face à Singapour, puis d’une participat­ion à l’Asia Rugby Championsh­ip 2019, où la Thaïlande, alors en 2e division, a affronté le Kazakhstan et les Émirats arabes unis. La suite de l’aventure ? « Il y a eu la covid qui a arrêté la compétitio­n en 2020 et 2021. Puis en août 2022 il y a eu une nouvelle édition, mais j’étais malheureus­ement blessé… J’aimerais vraiment être rappelé à l’avenir. Je sais qu’il y a un rassemblem­ent en juin, alors je vais croiser les doigts… » La chance sourit aux audacieux, alors pourquoi ne sourirait-elle pas (à nouveau) à Thibault Garcia qui, à force de passion et de travail est passé en un claquement de doigts de la réserve du Mourillon au rugby internatio­nal ? La belle histoire d’un Varois du bout du monde…

 ?? (Photos DR) ?? Ici en 2019, sous le maillot de la sélection thaïlandai­se, Thibault Garcia compte trois sélections. Il espère être à nouveau appelé à l’avenir.
(Photos DR) Ici en 2019, sous le maillot de la sélection thaïlandai­se, Thibault Garcia compte trois sélections. Il espère être à nouveau appelé à l’avenir.

Newspapers in French

Newspapers from France