La Garde : un inventaire naturaliste en forêt urbaine
Les propriétaires de Port Magaud ouvrent leur forêt aux spécialistes du parc national de Port-Cros et du conservatoire botanique national méditerranéen, pour mieux la protéger.
La belle endormie ! C’est ainsi que l’on pourrait surnommer cette forêt préservée et luxuriante, qui s’étale sur les pentes du vallon plongeant dans l’anse Magaud, à La Garde. Cette propriété de trois hectares appartient depuis le XIXe siècle, à la même famille. En 1909, le diplomate Ernest Bourgarel (1850-1929), y fait construire une splendide demeure, de style néoclassique, aujourd’hui propriété de ses descendants, Charles-Henry Dubail, ses soeurs et son frère. Port Magaud voit le jour avec ses grandes pièces ouvertes sur la mer et rafraîchies par des innovations bioclimatiques, certaines inspirées de ce qui se fait alors en Perse. Classée à l’inventaire des Monuments historiques depuis 2019, elle est ouverte au public lors des journées du patrimoine, et habitée d’antiquités ramenées des pays où Ernest Bourgarel a représenté la France. Mais ce ne sont pas elles qui tiennent la vedette en ce moment. C’est la végétation exceptionnelle qui s’épanouit, depuis plus d’un siècle, sans subir d’atteintes bouleversantes, malgré l’urbanisation alentour. Au point que la forêt a elle aussi été classée à l’inventaire des monuments historiques et qu’elle suscite l’intérêt du parc national de Port-Cros et du conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles. Un inventaire de la flore, des insectes et plus partiellement de la faune y est en cours. Les spécialistes du parc national alimenteront une banque de données et feront ensuite leurs préconisations pour préserver ce Magaud paradisiaque. Magaud comme Barthélémy Magaud, le pêcheur qui avait vendu ses terres au père d’Ernest Bourgarel en 1864.
« Tu as vu ? Tu peux la pointer au GPS » lance Annie Aboucaya, à son collègue Henri Michaud, en découvrant une plante d’intérêt. Ici une laitue sauvage. « Cette espèce est toxique et narcotique, précise ce dernier. Les gens s’en servaient pour faire des rêves bizarres. »
Charles-Henry Dubail, en pull orange, propriétaire des lieux et descendant d’Ernest Bourgarel, guide l’équipe de scientifiques à travers la forêt préservée. Annie Aboukaya, référente flore terrestre pour la gestion de la biodiversité du parc national de Port-Cros, est comme une enfant
Henri Michaud cherche à la loupe l’insecte qui a entraîné la production de galles sur un
vieux chêne-liège. L’arbre a réagi en piégeant les oeufs et larves de l’insecte dans les galles, des petites baies rougeâtres, qui étaient utilisées autrefois pour tanner le cuir.
Devant la maison de style néoclassique, sur une restanque, des agaves américains géants, avec leurs bandes claires, pointent leurs épines terminales à plus de deux mètres.
« Ils peuvent être gros mais rarement à ce point », souligne Annie Aboucaya. Méfiance, ils peuvent être envahissants. dans un magasin de jouets, en découvrant les plantes, des plus minuscules aux plus énormes.
« C’est rare que des propriétaires privés nous invitent. Cet inventaire sera précieux. On va avoir une jolie liste. Il y a des arbres remarquables de plus d’un siècle. »
Charles-Henry Dubail est fier de son rosier de Banks, une liane vigoureuse, qui depuis un siècle part à l’assaut des arbres voisins. Elle ne plie pas sous le poids des centaines de roses jaunes, petites et charnues. « Elle est montée à six mètres. Elle a plus d’un siècle. Elle a probablement été ramenée de Chine par Ernest Bourgarel, qui y était ambassadeur. » Aujourd’hui, cette plante est en vente dans les pépinières.