Var-Matin (Grand Toulon)

Quand Mourad Boudjellal tentait de retenir Botha une saison de plus...

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Malheureus­ement, les légendes, si elles sont éternelles, ont en revanche une durée de vie crampons aux pieds. Et après Wilkinson en 2014, c’est Botha qui a crevé le coeur des supporters en annonçant sa retraite en 2015. À 35 ans, le géant décidait alors de tourner le dos à sa vie de rugbyman, pour rentrer en Afrique du Sud. Pourtant, c’est peu dire que Mourad Boudjellal a tout tenté pour le retenir. « Lorsque nous avons gagné la Champions Cup 2015, Mourad s’est assis à côté de moi dans le vestiaire et m’a dit “reste un an de plus Bakkies, comme ça, tu continues de faire peur aux autres. Ça ne peut pas s’arrêter”. Mais j’ai refusé. Beaucoup de joueurs n’ont pas la possibilit­é de partir en étant à leur meilleur niveau. Alors oui, j’aurais pu refaire un an ou deux, mais là, j’ai pu choisir ma sortie. Dans la vie, si tu n’arrives pas à aller chercher la paix intérieure, tu ne te reposes jamais. Si tu continues à te dire “je pense que je suis encore au niveau”, tu n’es jamais à l’abri d’une blessure, d’un choix de coach qui te gâche les derniers mois… » Une fin au sommet, donc. Mais c’est pourtant bien loin des terrains que le champion du monde 2007 a compris que le temps était venu.

« Mourad aurait bien pu me donner un milliard… »

Un déclic intervenu lors d’une discussion avec la plus grande de ses filles. « Je vivais seul à Toulon, mes trois enfants [il a deux filles et un fils] et ma femme étant restés au pays. Et les petits me demandaien­t toujours “quand est-ce que papa va rentrer ?” Et un jour, alors qu’ils étaient en vacances à Carqueiran­ne, ma grande s’est accrochée à mon pantalon et m’a dit “papa, on te veut à la maison”. Je lui ai alors promis que c’était terminé. Le week-end d’après, je suis allé dans le bureau de Mourad pour lui dire que j’arrêtais. Il a rétorqué “donne moi ton prix, je te prolonge maintenant”. Mais pour l’argent, j’aurais trahi la promesse faite à ma fille ? C’était inconcevab­le. Et Mourad aurait bien pu me donner un milliard, je n’aurais pas brisé la promesse faite à mes enfants. »

« Avant, tu pouvais faire mal. Aujourd’hui, ce n’est plus possible »

Fin de carrière actée en club… et en sélection. Malgré les avances d’Heyneke Meyer, le sélectionn­eur de l’époque. « Il m’a expliqué qu’il aimerait compter sur moi pour le mondial 2015, mais j’ai refusé, même si j’étais encore en forme. C’était terminé, je le savais… J’ai gagné tout ce que je pouvais sur les terrains, qu’est-ce que j’allais accomplir d’autre ? Disputer une quatrième coupe du monde ? D’ailleurs, j’ai bien fait de refuser, sinon j’aurais participé à la défaite historique [34-32] contre le Japon (il éclate de rire) ! » Et s’il a, depuis sa retraite, été souvent sollicité pour intégrer des staffs techniques, Bakkies Botha a toujours refusé.

« Le rugby a été une partie magnifique de ma vie. Mais ce n’était pas ma vie… Puis bon, quand on voit l’évolution du jeu, je suis convaincu d’être parti au bon moment. Jouer avec les règles actuelles ? Ce serait frustrant, horrible. Tu ne peux plus défoncer un mec. Ça sert à quoi d’être l’Enforcer ? Et attention, je ne dis pas de le faire salement hein, mais dans les règles. Sauf qu’avant, tu pouvais faire mal. Ce n’est plus possible, on dirait du rugby à XIII. J’ai arrêté au bon moment ! » Parole d’un turbulent qui a su devenir sage…

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