N. Bagayoko : « L’insécurité s’étend dans le nord du Bénin, Togo, Ghana et Côte d’Ivoire »
Présidente de l’African Security Sector Network et directrice du programme Afrique de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques, Niagalé Bagayoko sera à Toulon ce soir pour donner une conférence sur les recompositions
(1) nationales, régionales et géopolitiques au Sahel et en Afrique de l’Ouest.
Les guerres en Ukraine et à Gaza nous ont fait oublier le Sahel et les combats que la France y a menés pendant dix ans. Quelle est la situation sécuritaire aujourd’hui ?
Elle est toujours aussi dramatique pour les civils qui sont victimes des attaques de groupes djihadistes, de groupes d’autodéfense comme les Volontaires de Défense de la Patrie au Burkina Faso, ainsi que d’autres acteurs criminels qui poursuivent leurs objectifs de prédation sur les récoltes, le bétail… La junte au pouvoir au Mali a néanmoins obtenu un succès en reprenant la ville de Kidal. Mais l’insécurité n’a pas reculé et s’étend même aujourd’hui dans les pays côtiers voisins : Bénin, Togo, Ghana, Côte d’Ivoire.
La menace de l’apparition d’un sanctuaire djihadiste au Sahel, menace brandie
par les dirigeants français, est-elle crédible ?
Si l’enracinement des différents groupes djihadistes, que ce soit le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida, ou l’État islamique au grand Sahara (EIGS), est réel, ces groupes se combattent entre eux. À cette compétition s’ajoute la stratégie de harcèlement menée par les armées des différents pays du Sahel. La constitution d’un califat n’est donc pas d’actualité. Il n’est d’ailleurs pas certain que cela constitue un objectif. Par ailleurs, les capitales restent bien défendues. Avec un bémol
pour Niamey, la plus proche des trois frontières (Niger, Mali, Burkina Faso).
En 2013, l’armée française stoppait les djihadistes sur la route de Bamako. Dix ans plus tard, Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique, affirme :
« Plus personne n’a besoin de la France ». Comment en eston arrivé là ?
Pour ne parler que du Mali, il y a eu entre la France et les autorités maliennes des divergences d’analyse stratégique et sur les solutions à mettre en oeuvre. La priorité des Maliens était d’assurer l’intégrité de leur territoire. Pour y arriver, ils étaient prêts à négocier avec les groupes djihadistes, ce à quoi la France s’opposait. Et comme sur le terrain, l’armée française a donné l’impression qu’elle n’arriverait pas à éradiquer ces groupes, la population a commencé à penser qu’elle était inutile. Des théories du complot, selon lesquelles la France était à l’origine de la déstabilisation du pays et qu’elle armait les groupes djihadistes, sont même apparues. Dans le même temps, on a vu émerger un mouvement néopanafricain très patriote et très nationaliste. 1. Ce soir, à partir de 18 h 30, dans l’amphi 300 de la faculté de droit à Toulon. Inscription gratuite mais obligatoire sur le site fmesfrance.org