« Maintenir des liens avec la femme qui a porté l’enfant »
Spécialiste de l’enfance et de l’adolescence, le pédopsychiatre toulonnais Marcel Rufo, âgé de 79 ans, a longtemps été contre la GPA. Et puis, il a revu son jugement. Depuis quelques années, il se demande si l’opposition claire qu’il exprimait autrefois n’était pas trop radicale.
Pourquoi étiez-vous totalement opposé à la GPA ?
Tout d’abord parce que durant la grossesse il se passe quelque chose d’extrêmement fort entre la mère et l’enfant. C’està-dire tout ce processus qui fait qu’à la naissance, le bébé est doté de certains moyens de communication qu’il a développés lorsqu’il était dans le ventre de sa mère. Le fait de retirer l’enfant à sa mère à la naissance, je considérais cela comme une rupture trop dure pour le bébé. La seconde raison, de manière plus générale, c’est la marchandisation du corps de la femme qui me paraissait impossible à concevoir.
Et qu’est-ce qui a participé à faire évoluer votre jugement ?
J’ai rencontré une cinquantaine de couples de garçons qui ont eu recours à la GPA pour devenir parents. Certains l’ont pratiquée en Ukraine, aux États-Unis et parfois en Inde. Dans des pays où la pratique est légale. J’ai aussi rencontré les enfants et je dois dire qu’à ma surprise absolue, ils allaient tous bien. Il est important de préciser que j’ai toujours été favorable à l’adoption pour les couples formés par des hommes. Ces rencontres n’ont fait que confirmer qu’ils étaient tout à fait capables de bien élever un enfant.
Vous voulez dire que l’enfant n’a pas forcément besoin d’une mère pour grandir dans de bonnes conditions ?
C’est cela. J’ai remarqué que dans l’organisation de ces couples et grâce à l’entourage de ces derniers, avec les grands-mères, les soeurs, les tantes, l’enfant avait des possibilités d’identification féminine. En somme, que l’entourage peut tout à fait pallier l’absence de mère dans le cas des couples homosexuels composés d’hommes. Pour moi, que ce soit pour la GPA ou l’adoption de manière générale, ce n’est pas un couple qui adopte, mais une famille. Et c’est de cela qu’à besoin un enfant.
Cependant, vous jugez qu’il est important que l’enfant, l’adolescent, voire l’adulte, puisse avoir des réponses concernant sa mère biologique.
J’ai rencontré des enfants de 4 ou 5 ans, élevés par des garçons, qui se demandaient déjà qui était leur mère. Un peu comme pour les enfants adoptés un questionnement se crée indiscutablement et on ne peut pas faire l’impasse dessus. Je pense qu’il faut être attentif à maintenir des liens avec la femme qui aura porté l’enfant et pouvoir être en mesure de répondre aux questions.